La préhistoire
Par Kamel Moulfi – Décidément, le discours officiel est très mal servi par la réalité que vivent douloureusement les simples citoyens sur le terrain. Renouveler son passeport en ce moment fait plonger le malheureux algérien qui en a besoin dans un univers qui ressemble à la préhistoire de l’administration. Les témoignages relayés par les médias sont incroyables : il faut se lever plus tôt que les jours de pénurie de pain ou de lait, pour se présenter devant le siège de la daïra et avoir une chance d’être inscrit dans le quota quotidien, qui ne dépasse pas la cinquantaine de personnes autorisées à déposer leurs dossiers. Et dans une sorte de surenchère qui n’épargne aucune chaîne pour n’importe quel produit, il y a des gens prêts à passer la nuit devant la porte, des heures et des heures avant son ouverture, pour être sûrs d’être du lot et parmi les premiers quand le préposé commencera à remplir la liste. C’est l’annonce par le ministre de l’Intérieur que la quittance du passeport passerait de 2 000 DA à 10 000 DA à compter du 1er janvier 2015, en application de la nouvelle loi de finances, qui aurait déclenché le rush, cherche-t-on à expliquer. En 2014, y a-t-il encore des pays qui offrent en spectacle cette scène burlesque pour l’obtention du passeport ? Naturellement, la ruée ne concerne que les «sans passe-droit», les «autres» sont, on le sait depuis longtemps, dispensés de cette épreuve, un raccourci spécialement aménagé leur permet d’avoir le passeport biométrique sans aucun stress. Il faudrait un mot plus fort que paradoxe pour exprimer la contradiction entre la volonté proclamée de moderniser non seulement l’administration, mais tout dans la vie sociale et, dans les faits, la marche arrière, à pas de géant, qui annule les progrès réalisés. A croire que c’est dans la nature des Algériens, autorités et administrés, de se complaire dans l’archaïsme.
K. M.
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