Assassinat de moines de Tibhirine : le juge Trévidic va-t-il interroger l’islamiste jordanien Abou Qatada ?
Le prédicateur jordanien Omar Mahmoud Othmane, plus connu sous le nom d’Abou Qatada, a été acquitté par la Cour de sûreté de l’Etat en Jordanie. Cet islamiste, connu pour ses discours radicaux, était pour beaucoup dans l’endoctrinement de jeunes Algériens durant la décennie noire. Il avait, entre autres, légitimé les massacres en Algérie et avait revendiqué, à partir de Londres, l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996 par le Groupe islamique armé (GIA). Le juge antiterroriste français Marc Trévidic, qui met en doute la version officielle sur l’enlèvement et le meurtre de ces hommes de religion, gagnerait donc à l’interroger. Abou Qatada, qui aurait été le bras droit d’Oussama Ben Laden, selon un juge espagnol, pourrait éclairer ce magistrat sur les liens entre le groupe sanguinaire algérien et l’internationale terroriste. Le juge Trévidic, qui se veut en rupture totale avec la méthode de son prédécesseur, le juge Bruguière dont il a hérité le dossier, n’hésite pas à adopter la thèse du «qui tue qui ?», mettant ainsi dos à dos les autorités algériennes et les groupes armés. Pour lui, l’implication des services secrets algériens ou une éventuelle bavure de l’armée algérienne dans le kidnapping et la mort tragique des moines sont loin d’être des pistes farfelues et méritent d’être explorées. «Mon prédécesseur intégrait la dimension politique dans sa stratégie d’enquête. Je comprends cette position, mais je suis incapable de l’assumer. Je n’ai pas cette double facette ou cette double compétence», avait-il expliqué au journal français La Croix. La justice algérienne se montre tout à fait coopérative dans ce dossier. Celle-ci a autorisé, le 3 septembre dernier, le juge français à venir enquêter en Algérie. Il a prévu d’y séjourner les 12 et 13 octobre afin d’approfondir son enquête. Il assistera à l’autopsie qui sera effectuée par des spécialistes algériens. Les enquêteurs algériens ont obtenu, de leur côté, le feu vert de Paris pour interroger deux anciens membres des services secrets français. Ce dossier est donc clairement un moyen de pression de la France, qui utilise les zones d’ombre qui entourent cette affaire du fait de sa gestion chaotique par le gouvernement français de l’époque pour donner de l’eau au moulin des défenseurs de la thèse du «qui tue qui».
Rafik Meddour