Exacerbation du crime et regain de terrorisme : qui ose appeler à l’abolition de la peine capitale ?
Le débat sur l’abolition de la peine de mort revient en Algérie à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale contre la peine de mort qui coïncide avec le 10 octobre. Un séminaire sera organisé, le 11 octobre prochain, à Béjaïa, par le Centre de documentation en droits de l'Homme, structure légale de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), autour du thème : «L'abolition de la peine de mort maintenant. Après le moratoire du gel de l'application, plaidoyer pour l'abolition de la peine de mort en Algérie.» La question qui se pose est de savoir si ce débat n’est pas quelque peu en déphasage par rapport à une actualité, nationale et internationale, appelant plutôt à un durcissement des peines à l’encontre des personnes coupables de crimes atroces. Certains de ces crimes, à l’image de la décapitation et la mutilation d’otages pratiquées par des groupes sanguinaires, ont plutôt révulsé l’opinion publique par leur cruauté. L’émotion suscitée par l’exécution du ressortissant français Hervé Gourdel par des terroristes dans le Djurdjura est encore vivace. Le cas des deux enfants Haroun (10 ans) et Ibrahim (9 ans) kidnappés, assassinés et atrocement mutilés en mars 2013 dernier par des détraqués sexuels est encore plus illustratif de ce sentiment de révolte chez une majorité d’Algériens contre ces criminels qui ne méritent aucune pitié. On se souvient que, sous le choc, de larges secteurs de l’opinion nationale réclamaient, à travers pétitions et témoignages rapportés par la presse, l’application de la peine de mort qui était, pour eux, la seule sanction qui puisse rendre justice aux familles des deux jeunes enfants. Les militants des droits de l’Homme peuvent-ils faire abstraction de cette réalité et continuer à exiger de l’Etat algérien, au nom de la lutte pour le respect des droits de la personne humaine, l’abolition pure et simple de la peine de mort ? Pour eux, la mise en veille dès 1993 de l’application de toute sentence de la peine de mort est insuffisante. En théorie, cette décision a pu servir, à un moment, de gage d’ouverture et de démocratisation aux capitales occidentales qui sont très sourcilleuses sur la question. Même si un pays comme la France qu’on décrit souvent comme le berceau des droits de l’Homme n’est arrivé à l’abolition de la peine de mort qu’en 1981, avec toute la mobilisation des socialistes au pouvoir. Il faut dire aussi que le gel de la sentence en Algérie a eu ses effets pervers ; dans un sens où cela aura d’abord profité aux terroristes condamnés pour des crimes, parfois des carnages, qu’ils ont commis à partir de cette période. C’est d’ailleurs à se demander si le législateur avait tenu compte, à cette époque, de la nouvelle réalité imposée à l’Algérie.
R. Mahmoudi