La protestation de policiers à Ghardaïa aura des effets dévastateurs si elle ne cesse pas rapidement
Le mouvement de protestation de la police à Ghardaïa est une action inédite dans l’histoire de la DGSN, depuis l’indépendance. La discipline qui règne au sein des différents corps constitués (police, gendarmerie et armée notamment) a permis au pays de traverser les épreuves les plus difficiles, à leur tête le terrorisme sanguinaire qui a failli détruire les symboles de la République et aliéner la société. Un malaise est perceptible dans les rangs de la police depuis plusieurs années. Non que les officiers et les agents qui forment ce corps se plaignent d’un manque de moyens ou de bas salaires, mais parce que les autorités politiques ont limité leur champ d’action par peur de «dépassements» qui mettraient le pouvoir actuel sous le feu des projecteurs des organisations de défense des droits de l’Homme. Cette crainte a poussé les policiers à assurer un «service minimum», évitant toute intervention musclée malgré une recrudescence de la criminalité due à plusieurs facteurs. Le déplacement précipité, hier, d’Abdelghani Hamel à Ghardaïa pour étouffer dans l’œuf une protestation inédite qui aurait des effets dévastateurs si elle venait à se propager, est la preuve que les plus hautes autorités du pays appréhendent un glissement dangereux dans un contexte politique fait d’incertitudes et un climat social tellement lourd que certains y entrevoient les prémices d’un nouveau 5 Octobre. Si la contestation est interdite dans les rangs de la police, il n’en demeure pas moins que les échos qui nous parviennent de ce corps font état d’un malaise né de l’incapacité des policiers à accomplir leur mission convenablement en raison des instructions qui leur sont données de «ménager» toutes sortes de citoyens réfractaires à l’ordre et à la loi pour éviter l'embrasement, d'où la montée fulgurante de la délinquance que les services de sécurité n'arrivent plus à maîtriser. Lors de la campagne électorale pour la présidentielle d'avril dernier, au moment des manifestations d'opposants à un quatrième mandat pour le président sortant, plusieurs officiers et agents avouaient aux journalistes qu'ils partageaient le même avis qu'eux et qu'en procédant à leur arrestation, ils ne faisaient qu'exécuter des ordres venus d'en haut. Le directeur général de la Sûreté nationale avait même dû préciser que l’ordre d’arrêter les manifestants venait des autorités administratives – comprendre le wali d'Alger. La manifestation des policiers à Ghardaïa a, en tout cas, fait réagir les responsables politiques qui ont compris que les hommes qui forment ce corps, et qui sont attachés aux règles strictes qui le régissent, ont besoin d'être écoutés. La récente exigence de la DGSN de renforcer l'arsenal juridique contre le terrorisme des routes est une autre preuve que la police a besoin d'être appuyée par l’ensemble des institutions dans ses missions de plus en plus difficiles, en dépit des gros moyens matériels dont elle dispose.
Karim Bouali