Interview – Hakim Soufi : «Il faut développer la culture de l’éthique et de la responsabilité»

Algeriepatriotique : Vous avez été élu, récemment, vice-président de la branche assurance de personnes à l’UAR, et M. Khelifati a été élu vice-président de la branche assurance dommages. Deux chefs d’entreprises privées au sein de la direction, une première depuis la création de cette association. Peut-on connaître votre sentiment ?

Algeriepatriotique : Vous avez été élu, récemment, vice-président de la branche assurance de personnes à l’UAR, et M. Khelifati a été élu vice-président de la branche assurance dommages. Deux chefs d’entreprises privées au sein de la direction, une première depuis la création de cette association. Peut-on connaître votre sentiment ?
Hakim Soufi :
M. Khelifati, président d’Alliance Assurances, et moi-même sommes respectivement chargés des assurances dommages et des assurances de personnes. Mon sentiment par rapport à cela est double, le premier sentiment que j’ai eu, tout de suite, était que pour la première fois de son histoire, l’UAR se retrouve avec deux responsables de compagnies privées désignés par la corporation en tant que vice-présidents de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR). C’est une force et une opportunité. Cela prouve aussi l’importance que prennent de jour en jour les compagnies d’assurance privées sur le marché national. Tout en gardant un immense respect vis-à-vis des compagnies publiques, d’où nous venons tous ; nous avons été, pour la plupart, formés par des professionnels issus du public. Cela pour vous dire à quel point nous sommes honorés par cette nomination. Mon deuxième sentiment est que c’est un grand honneur pour moi. Pourquoi ? Pour deux raisons : la première est relative à mon âge. Ce n’est pas rien que toute une corporation vous fasse confiance, notamment au niveau des assurances de personnes, c’est un honneur et une responsabilité. La deuxième prouve qu’il y a une énergie et une volonté d’aller vers l’avant. Qu’il y a surtout un passage de flambeau. A ce propos, je rends hommage à l’ex-président de l’UAR, M. Latrouss, ex-PDG de la SAA, un grand monsieur avec qui nous avons beaucoup appris et qui a fait beaucoup pour l’UAR et pour le secteur. Maintenant, nous entamons une étape importante avec l’aide de M. Khelifati et sous le haut patronage de M. Kessali, président de la CAAR, un homme avec de grandes qualités humaines et professionnelles, qui est pour moi, un exemple à suivre.
Le chiffre d’affaires du marché national des assurances classe votre entreprise à la quatrième place. Qu’est-ce que cela représente pour vous, si on sait que les trois premières sont des entreprises étatiques ?
Cela veut dire que nous commençons à être dans le lot des plus grosses compagnies d’assurance en Algérie. Cela prouve que notre mode d’organisation et notre mode opérationnel sont bons. Cela prouve aussi que notre commercialité et la qualité de service rendu à la clientèle sont bonnes. En conséquence, nous sommes sur la bonne voie. Quand vous avez des chiffres comme ceux-là en fin d’exercice, cela prouve que vous avez fait du bon travail pendant toute l’année. Nous devons continuer sur cette lancée, mais il va falloir apporter de nouveaux produits, pour insuffler de nouvelles énergies et de nouvelles opportunités pour la clientèle algérienne. L’avenir de certains pays européens est dans les services en plus de l’industrie. Nous sommes en plein dedans. Ce que je peux vous dire aujourd’hui, c’est que Macir Vie a beaucoup de projets à mettre en place. Cela va nous permettre d’aller encore plus loin et, surtout, d’installer la culture de l’assurance des personnes au sein du marché algérien. C’est notre objectif principal.
Certains chefs d’entreprise du secteur privé se plaignent de contraintes qui freinent le développement du secteur de l’assurance en Algérie. Est-ce le cas pour vous ? Si oui, peut-on savoir lesquelles ?
En tant que PDG de Macir Vie, je vous le dis honnêtement, il n’y a pas réellement de contraintes. Néanmoins, si je devais en parler en tant que vice-président de l’UAR, chargé des assurances de personnes, je vous répondrai que ce n’est pas le moment d’en discuter, car nous devons établir une feuille de route après nous être réunis sous la haute autorité de M. le président avec le vice-président chargé des assurances dommages et le délégué général, et dès que celle-ci sera prête, nous vous la communiquerons. Nous analyserons tous les problèmes du secteur et nous tenterons de les éliminer pour installer l’UAR comme socle pour toutes les compagnies d’assurance de droit algérien. En ce qui concerne Macir Vie, la seule contrainte qu’on a, c’est le temps mis entre l’idée de la conception du produit et la mise sur le marché. En règle générale, la loi stipule que lorsqu’une demande de visa de commercialisation est déposée au niveau de l’administration, si au bout de 45 jours il n’y a pas de réponse, elle est considérée comme valable. Sauf que maintenant on met beaucoup de temps avant de mettre en place un produit. Au bout de ces 45 jours, le ministère des Finances, direction des assurances, nous appelle pour faire une analyse ; c’est un travail de longue haleine. Le ministère travaille de concert avec l’ensemble du secteur et accorde beaucoup d’importance à toutes les compagnies activant sur ce marché, d’où ce délai important dans la mise sur le marché des produits.
Le produit «santé internationale» qui permet aux Algériens de payer leurs frais de soins et d’hospitalisation en dinars à l’étranger a été interdit par le ministère des Finances. Pourquoi ?
Le produit tel que nous l’avons défini est un produit qui permet aux Algériens de payer en dinars une prime forfaitaire pour une prise en charge à l’étranger en devise étrangère. La direction générale du Trésor au ministère des Finances a interdit le produit et elle a ses raisons. Dans la note de refus officielle que nous avons reçue, le ministère évoque deux raisons : la première est qu’il veut qu’on développe un produit en santé locale. Je suis d’accord, mais cela pose un certain nombre de problèmes parce qu’il faut refaire tout le produit ; il doit répondre à des actes de gestion, de paramètres financiers, à des coûts et à des limites de garantie qui sont totalement différents et beaucoup moins importants que celles appliquées à l’étranger, ce ne sont pas les mêmes tarifications ici et à l’étranger. La seconde est que nous n’avons pas non plus autant de prestataires de soins et qu’il faut donc aller vers le financement d’infrastructures de soins locales à travers ce produit en santé nationale. Le ministère veut développer cela en Algérie, nous sommes d’accord et nous sommes en cours de développement de ce produit «santé locale» en collaboration avec la Compagnie centrale de réassurance (CCR Alger), et ce produit sera commercialisé, si tout se passe normalement, vers la fin du premier trimestre 2015. Par ailleurs, si cette note venait un jour à être levée et que la législation change en la matière, nous serons prêts à aller vers le produit «santé internationale», car que nous le voulions ou pas, ce produit devra naturellement être mis sur le marché pour répondre aux besoins de financement des frais de soins de la clientèle algérienne d’une part, et de l’autre, pour booster un marché qui fait deux fois le marché marocain et tunisien réunis dans lesquels ce produit existe depuis de nombreuses années. C’est un des objectifs cruciaux pour lequel le législateur, à travers la loi 06/04, a recommandé d’aller vers la scission des assurances dommages et les assurances de personnes. De plus, vous ne pouvez pas, dans notre métier, concevoir des produits sans les commercialiser ce n’est pas possible. Pourquoi ? Pour trois raisons essentielles :
1- c’est un coût important pour la compagnie d’assurance qui doit rentrer dans ses frais, car elle n’a pas droit à l’erreur ;
2- d’un point de vue purement économique, cela augmente l’assiette fiscale et apporte une nouvelle ressource financière fiscale et parafiscale à l’Etat ;
3- il faut mettre de nouveaux produits sur le marché et le produit en santé internationale est extrêmement important, car la demande est criante. En effet, il faut savoir que 98% de la clientèle algérienne se soigne en France, quand elle n’arrive pas à se soigner ici et quand elle a les moyens d’y aller.
Aujourd’hui, nous sommes prêts à déployer cette solution, mais nous restons à l’entière disposition et sous les ordres de notre ministère. La direction générale du Trésor, pour des raisons qui lui sont propres, a décidé d’interdire la commercialisation de ce produit, nous respectons son instruction, mais le jour où l’interdiction sera levée si ce jour arrive, nous serons les premiers à être sur le marché et nous aurons incha’Allah toutes les capacités de le faire.
Pourtant, certaines compagnies d’assurance le proposent en cachette à leurs clients…
Effectivement, j’ai lu des articles de presse qui traitent de cette question et en tant que vice-président de l’UAR, chargé des assurances de personnes, c’est une chose qui cessera si cela s’avère fondé ! Il va falloir, absolument, regarder de très près cette situation et agir en conséquence si des compagnies d’assurance le proposent, comme vous le dites en cachette, car l’UAR est, quand même, la garante des intérêts des consommateurs d’un côté, des intérêts des compagnies d’assurance, de l’autre, et aussi garante du strict respect des instructions de la direction des assurances du ministère des Finances. S’il y a une compagnie d’assurance qui le fait, ça s’apparenterait à de la concurrence déloyale et une non-application flagrante de la note de M. le directeur général du Trésor sous le numéro 1750 en date du 07 novembre 2013, portant interdiction de la commercialisation du produit «santé internationale». En conclusion, aucune compagnie d’assurance, quelle qu’elle soit et quelle que soit son importance et/ou son origine, ne pourra commercialiser ce type de produit, je m’y engage.
Avez-vous une idée de qui il s’agit ?
Je n’en ai aucune. Seulement, nous devons, tous ensemble, sous la haute autorité du président de l’UAR, nous pencher sur cette question et voir si c’est vrai. Si c’est le cas, nous allons convoquer ces compagnies et demander des explications.
Mis à part l’assurance automobile, les Algériens n’ont pas encore intégré la culture de l’assurance dans leur mode de vie. Un exemple : on avance le taux de 10% seulement de foyers algériens qui sont assurés contre les catastrophes naturelles. Pourtant, la souscription de cette assurance est obligatoire. A quoi est due cette réticence ?
Tout ce qui concerne les assurances dommages ne relève pas de mes compétences, mais celles de M. Khelifati en sa qualité de vice-président de l’UAR chargé des assurances dommages.
En ce qui concerne l’assurance, nous sommes un pays avec une culture que j’appellerai «culture d’obligation». Exemple : vous ne pouvez pas conduire un véhicule si vous n’avez pas une assurance automobile, ne serait-ce qu’en responsabilité civile, c’est une obligation, comme vous ne pouvez pas avoir de visa européen et partir à l’étranger sans vous munir d’une assurance voyage conforme à l’article 15 du code des visas Schengen. Pour le reste, il n’y a pas eu assez d’efforts de communication, chose à laquelle nous sommes en train de remédier. Il n’y a pas eu assez d’effort de communication pour rendre ces produits-là indispensables. Pourquoi indispensables ? Parce que quand vous devenez indispensable, il n’y a plus besoin d’obligation juridique, c’est ce que j’appelle «la culture de l’éthique et de la responsabilité» du manager ou du patriarche. Cela veut dire qu’aujourd’hui, lorsque vous dites à un chef d’entreprise ou à un directeur des ressources humaines, prenez une assurance groupe, car cette assurance va vous prémunir et prémunir les capacités financières de votre entreprise par rapport à un accident de travail ou à un décès de l’un de vos collaborateurs, et vous permet également de fidéliser votre ressource humaine et Dieu seul sait combien c’est important. Ainsi, au lieu de donner des primes, fidélisez votre ressource humaine en lui payant un contrat d’assurance groupe, cela lui permettrait d’être couverte financièrement pour tous les problèmes de santé qui pourraient survenir. De ce fait, si un de vos collaborateurs tombe malade et que pendant six mois il n’arrive pas à travailler, comment fera-t-il pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ? C’est pour cela que les compagnies d’assurance de personnes ont été fondées. En conclusion, notre rôle, aujourd’hui, est d’intervenir financièrement lorsqu’il y a un besoin conséquent à un accident ou à des problèmes de santé par rapport à des personnes qu’elles soient dans une entreprise ou à titre personnel. Nous intervenons aussi durant les voyages, car imaginez le cauchemar que peut devenir ce dernier lorsque vous avez un accident. Imaginez ce que cela pourrait avoir comme conséquences pécuniaires sur votre budget «vacances». Dans ce cas, Macir Vie intervient par le biais d’Algérie Assistance, filiale de Mapfre Assistancia, leader mondial dans le domaine de l’assistance pour le remboursement des frais d’hôpitaux et des soins de santé conséquents à un accident fortuit ou d’une maladie inopinée.
Les assurances dommages continuent à produire l’essentiel des primes avec une part de marché avoisinant les 95%. Comment expliquez-vous cette situation qui perdure ?
C’est normal. Cela fait, à peu près, trois ans et demi que nous sommes sur le marché. Est-ce que vous pensez, sincèrement, qu’on peut contrebalancer une période de plus de 50 ans où les toutes les compagnies d’assurance commercialisaient des assurances dommages et de personnes ? Ce n’est pas possible. On ne peut pas faire de comparatif à cet instant. Les compagnies d’assurance, depuis leur création, ont fonctionné sous une forme symbiotique entre les assurances dommages et les assurances de personnes. Avec la loi 06/04, elles ont été scindées. En trois ans et demi, prendre 5% de ce marché, c’est déjà significatif.
Quel est votre bilan pour l’année 2014 et quels sont vos projets pour l’année 2015 ?
L’année 2014 a été bonne, mais elle a été aussi une année extrêmement rude pour notre compagnie. En effet, nous avons été très lourdement impactés à cause du retrait du produit «santé internationale» que nous commercialisions à l’époque et qui était dédié uniquement aux entreprises. Mais grâce à Dieu, nous avons compensé nos pertes grâce un intense effort commercial pour lequel j’aimerais rendre un hommage particulier à mes équipes. En clair, nous avons fait plus de 30% de croissance sur cet exercice. Cela démontre notre capacité à récupérer ce que nous avons perdu. Nous sommes les seuls à être lésés, car si l’interdiction concernait l’ensemble des compagnies d’assurance, la seule qui commercialisait le produit était notre compagnie. Nous avions le produit santé internationale et étions les seuls représentants d’Allianz Worldwide Care, leader mondial des assurances santé. Les multinationales venaient chez Macir Vie, compagnie algérienne, souscrire pour couvrir leur personnel. Mais il faut savoir qu’au départ, c’était des polices d’assurance qui ne couvraient que les expatriés, nous avons imposé à Allianz Worldwide Care la couverture des employés algériens, chose qui a été faite et qui ne le sera plus désormais, car nous nous engageons sur une autre voie, à savoir celle de la santé locale.
Vous sentez-vous le seul concerné par cette note, puisque vous dites que seule votre compagnie commercialisait ce produit ?
Non, c’est vous qui le dites. D’autres compagnies d’assurance pouvaient le faire avant, elles ne l’ont pas fait et je ne sais pas pour quelle raison ! Quand cette note a été transmise, elle l’a été à tout le secteur, ce n’était pas du tout dirigé contre Macir Vie, j’en suis convaincu. Permettez-moi de vous dire une chose, la force de Macir Vie réside dans son équipe composée de jeunes Algériens, qui veulent travailler et être actifs sur le marché et qui n’ont pas peur de la concurrence, bien au contraire, cela nous stimule. Il y a des opérateurs algériens qui sont dans leur pays et sur leur territoire et qui n’accepteront jamais de perdre, parce que quelqu’un qui travaille dans son pays et pour son pays gagnera. Enfin, j’affirme que le ministère des Finances, l’UAR et nous-mêmes en tant que corporation sommes capables d’être une force pour promouvoir le produit algérien à des normes peut-être plus rigoureuses que les normes européennes. Nous n’avons rien à envier aux autres qui ont sûrement des choses à nous apprendre, mais c’est à nous de les assimiler en les fusionnant avec la culture algérienne. Je vous donne un exemple : en quoi réside la force de Macir Vie ? C’est qu’un contrat n’est pas le Coran. Quand vous êtes client chez Macir Vie avec un contrat spécifique et que vous subissez un sinistre qui n’est pas couvert dans le cadre du contrat, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, dans la mesure de nos moyens, pour vous apporter tout le soutien nécessaire. Autrement dit, on peut tout à fait sortir du contrat pour des raisons commerciales afin de montrer à la clientèle que le côté humain est plus important que le volet financier d’un contrat, c’est notre philosophie à Macir Vie. Vous ne pouvez pas faire un, deux, trois ou quatre milliards de dinars de chiffre d’affaires, avec des bénéfices qui peuvent aller jusqu’à 10% ou 20% grâce à vos clients, sans au moins aider ces mêmes clients lorsqu’ils sont dans une situation critique et attendent de vous une réaction immédiate de partenaire lorsqu’il s’agit d’entreprises, et membre de la famille lorsqu’il s’agit de particuliers. Les assurances en Algérie ne se résument pas, à mon sens, à des dossiers, mais plutôt à des relations de confiance.
Vos projets ?
Nous nous sommes inscrits dans une logique très simple. Il va falloir, graduellement, mobiliser notre énergie sur la gestion de la relation clientèle. Désormais, nous allons faire de nos clients nos auditeurs. Dans très peu de temps, nous allons commencer à travailler de concert avec eux. Nous les contacterons pour voir s’ils ont des problèmes, s’ils sont contents de nos services ou pas. Il y a, aussi, tout un travail de communication que nous sommes en train de faire. Un travail qui sera accentué pour promouvoir la culture des assurances de personnes et qui va permettre à la clientèle de mieux nous connaître, et d’augmenter notre visibilité sur le marché. Je pense qu’aujourd’hui, le pari est gagné, parce qu’on est présent tant au niveau des réseaux sociaux que sur le web ou l’affichage urbain. Il y aura, aussi, une plus grande agressivité sur les tarifs, une plus grande mise à disposition de services annexes.
Qui veut dire ?
Une plus grande osmose avec notre clientèle tout en leur apportant de nouveaux services à la personne de très haute facture et à très forte valeur ajoutée.
Entretien réalisé par Mohamed El-Ghazi
   

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