Le rôle de l’ANP détourné ?
Par Kamel Moulfi – Fuite en avant, c’est cette formule qui s’applique le mieux à la nouvelle démarche décidée par le pouvoir pour faire face à la situation à Ghardaïa. Après avoir excessivement arrosé cette région, en financements divers et autres enveloppes, comme cela a été fait dans d’autres situations, avec toujours l’objectif d’acheter la paix sociale, le pouvoir recourt maintenant à la force pour «calmer les esprits». Nous apprenons que des centaines d’éléments des forces spéciales seront déployés à Ghardaïa. Alors que le problème de cette ville est loin d'être une affaire de l'ANP, puisqu'il «s'agissait», d'après le discours officiel, de «simples échauffourées». Il y a plus qu’une contradiction entre ce discours sur une crise créée par les affrontements opposant deux communautés, qui vivaient autrefois, nous dit-on, en parfaite cohabitation, et le recours abusif aux forces armées, qui a commencé, d’ailleurs, à El-Mouradia où la Présidence a sorti les éléments de la Garde républicaine en tenue de guerre, et se poursuit maintenant à Ghardaïa, avec les paracommandos de Biskra. Loin de rassurer, cette démarche accroît, au contraire, l’inquiétude des Algériens. Les gens qui passent habituellement par El-Mouradia ont ressenti comme une angoisse en constatant la présence de militaires, en tenue de combat, dans les alentours, au moment où les policiers protestataires s’y trouvaient aussi. Les problèmes internes ne se règlent pas par l'effet dissuasif de la kalachnikov, mais par le dialogue, le rétablissement de la justice sociale, une vraie lutte contre la corruption qui a gangrené les rouages de l’Etat, la guerre à l’argent sale, au népotisme, au régionalisme… institués comme une règle absolue par le régime actuel depuis 1999. C’est sur ce contexte d’ensemble, fortement détérioré sur tous les plans, qu’il est urgent d’agir. La fuite en avant n’a jamais permis de résoudre aucun problème, au contraire, c’est la voie qui est empruntée pour éviter de faire face avec courage et compétence à la difficile tâche de les résoudre. Evidemment, dans la pratique du dialogue, les «décideurs» laisseront, fatalement, une part de leur pouvoir et les privilégiés, sans aucun doute, une partie de leurs «rentes», mais le pays s’en trouvera mieux.
K. M.
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