A l’opposé de Novembre
Par Kamel Moulfi – La façon dont s’est déroulée la commémoration du 1er Novembre 1954 donne une idée de l’état du pays, 60 ans après cet événement. D’abord, ce qui choque le plus, parce que c’est le plus facile à corriger, le décor : la saleté des rues des villes et des villages. Beaucoup d’argent public a été mis dans la préparation et le déroulement d’activités de bas de gamme pour célébrer un événement grandiose, tout le monde aura remarqué ce décalage. Mais si autant de moyens avaient été consacrés à l’hygiène et la salubrité, meilleur aurait été l’hommage rendu aux «déclencheurs» et aux valeureux Aînés, femmes et hommes, qui les ont suivis dans la lutte armée et qui ont, pour beaucoup d’entre eux sacrifié leur vie dans ce combat. Ensuite, les Algériens, et surtout les jeunes, qui auraient dû en être les principaux acteurs, ont été mis à l’écart d’une commémoration dont la partie «commerciale» – une bonne affaire financière pour certains – lourdement budgétisée, l’a emporté sur la dimension historique. Or, la lutte armée, les historiens en conviennent, n’a pas été lancée à partir du néant et, encore moins, sans le peuple. Elle avait été précédée de manifestations politiques et syndicales de résistance au colonialisme, qui ont contribué à préparer le peuple algérien à cet acte libérateur. En fait, aujourd’hui, le peuple n’est associé à rien, en plus d’être mal gouverné. Comment, alors, s’étonner que l’objectif qui a justifié Novembre 1954, le recouvrement de la souveraineté nationale, un objectif atteint en 1962, ne soit pas encore solidement acquis et reste menacé, sous des formes pernicieuses. Pourtant, l’Algérie d’aujourd’hui a les moyens de faire mieux et de le montrer, mais la marginalisation des capacités humaines et le gaspillage des ressources financières, motivés par l’enrichissement rapide d’une catégorie de privilégiés, sont des facteurs qui bloquent. Enfin, le fait significatif qui résume la frustration que ressentent les Algériens dans cette circonstance est bien l’absence de défilés militaires, qui étaient, jusqu’à 1987, le clou des manifestations organisées chaque 1er Novembre.
K. M.
Comment (22)
Les commentaires sont fermés.