Paris face à une révolte de ses citoyens de souche : les prémices d’un «printemps français» ?
Toulouse et Nantes ont donné, hier samedi, aux dirigeants français une petite part de «printemps arabe» dont ils ne connaissaient pas directement le goût. Les manifestations hostiles au gouvernement se sont déroulées dans le centre-ville et pas dans les banlieues, ce qui signifie que ceux qui sont sortis dans la rue affronter un important dispositif policier sont des Français de souche et non pas des enfants d’émigrés facilement accusés, à chaque occasion, de troubler l’ordre public. Comme chez nous, au sud de la Méditerranée, le pouvoir français parle de manifestations non autorisées qui dégénèrent et les médias de répression. L’exagération est évidente quand certains évoquent une «guérilla urbaine» pour décrire des échauffourées émaillées d’incidents qui ont fait quelques blessés. Les organisateurs des manifestations voulaient exiger l'arrêt des «meurtres et mutilations perpétrés par l'Etat» et les manifestants ont scandé «assassins» à l’adresse des policiers. On peut parler de «mini-printemps français», la version arabe de cette œuvre de déstabilisation a commencé de la même façon par des actions localisées, pour finir en Libye dans un chaos menaçant pour les pays voisins. Les observateurs ont noté l’émergence en France d’une nouvelle génération de jeunes, radicalisés et qui n’hésitent pas à recourir à la violence pour dénoncer la misère sociale qu’ils vivent depuis que la crise a frappé les pays européens les plus fragiles et la France en est un exemple parfait. A l’Elysée, on devrait remercier Dieu d’avoir épargné aux Arabes la malédiction d’avoir un individu aussi malfaisant que Bernard-Henri Lévy. Il aurait usé de son don maléfique pour pousser plus loin la protesta des villes françaises et l’étendre ; seulement il aurait fallu, en plus, que la communauté internationale «alternative», dont font partie les «autres», ait la même propension à la guerre et à l’agression que celle dirigée par l’Otan avec la France comme membre majeur. Le cycle classique répression-violence a été amorcé à Toulouse et à Nantes, et on ne sait pas jusqu’où il ira. Manifester en France, pour une raison ou une autre, est devenu une aventure périlleuse et à risque mortel depuis que Rémi Fraisse, jeune Français de 21 ans, a laissé sa vie dans une action pacifique contre la construction d’un barrage dans le département du Tarn, au sud de la France. Il a été touché par une grenade assourdissante utilisée par les gendarmes français venus réprimer cette protesta et qui n’ont pas été en mesure de gérer la situation sans recourir à la violence. Il serait utile de faire profiter la police française de l’expertise algérienne en matière de «gestion pacifique des manifestations» basée sur le professionnalisme des policiers et sur la pédagogie pour éviter le côté répressif «bête et méchant». En 2011, quand les Tunisiens sont sortis dans la rue pour chasser leur président, il s’est trouvé une Michèle Alliot-Marie, ministre aux portefeuilles régaliens (et première victime «collatérale» du printemps arabe), pour proposer à la Tunisie, ainsi qu’à l’Algérie qui était programmée aussi, de «permettre dans le cadre de nos coopérations d’agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité». Elle pensait que le «savoir-faire» des forces de sécurité de son pays pouvait aider à sauver Ben Ali. Ce «savoir-faire» dont elle se vantait n’a pas empêché, il y a un peu plus d’un mois, l’énorme cafouillage qui a facilité à des «djihadistes» de retour de Syrie l’entrée en France alors que la police devait les interpeller à leur arrivée à l’aéroport.
Houari Achouri