Un Etat piégé
Par Kamel Moulfi – Les annonces à la télévision officielle de constructions de logements par centaines de milliers, alternent, dans l’actualité nationale, avec les informations diffusées par les télévisions privées sur les manifestations de gens qui sont mal logés et s’estiment en droit, en tant qu’Algériens, de réclamer de l’Etat qu’il leur donne un toit, perçu comme un droit constitutionnel. Et à chaque fois que les responsables promettent l’éradication «prochaine» du phénomène des constructions anarchiques, de nouvelles baraques surgissent aux alentours des cités dont les appartements ont largement dépassé le taux normal d’occupation et là où les conditions d’habitation sont indécentes et même dangereuses. En fin 2014, des familles logent encore dans des caves. C’est un fait maintenant établi : les mal-logés ont compris que pour obtenir satisfaction et emménager dans un appartement neuf offert par l’Etat, un dossier en bonne et due forme ne suffisait pas et qu’il fallait construire une baraque en bordure de route et bien visible. C’est ainsi que l’on obtient les faveurs des autorités qui distribuent les logements sociaux. Ces mal-logés, «depuis l’indépendance» pour certains, sont au courant des nombreux cas de passe-droit au profit de personnes inéligibles au logement social et qui en bénéficient pour les revendre, ou de privilégiés qui accèdent en priorité à l’AADL, grâce au coup de «piston» donné par des proches bien placés dans le pouvoir. Ces pratiques illégales les renforcent dans la conviction que leurs revendications sont légitimes et dans leur détermination aussi à les faire aboutir, d’une façon ou d’une autre. Quand ils constatent que les responsables regardent ailleurs au lieu de s’occuper de leur situation dramatique, ils sortent dans la rue sans craindre d’affronter la police antiémeute. L’Etat est, en fait, piégé. Pourtant, ceux qui voyagent par route sont surpris par la prolifération des constructions achevées ou en cours, cités type AADL ou résidences pavillonnaires, qui bouffent des terres agricoles et dont les promoteurs et leurs soutiens, qui leur font cadeau de ces superficies, se moquent éperdument du souci de sécurité alimentaire qui remplit le discours du gouvernement.
K. M.
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