Marché interdit
Par Kamel Moulfi – A l’allure où vont les prix, bientôt, pour faire son marché, il faudra y aller avec un sachet noir débordant d’argent. La pomme de terre, produit de très large consommation, a passé la barre des 100 DA et aucun «spécialiste» ni, encore moins, un «responsable» n’ont osé dire à quel niveau s’arrêtera cette hausse que personne ne cherche d’ailleurs même plus à expliquer. La justification habituelle de la flambée des prix par les augmentations de salaires, considérée comme situation «normale», n’est pas valable dans le cas présent, la fiche de paie des salariés étant restée inchangée. Faute d’arguments sérieux, certains se réfugient derrière la loi de l’offre et de la demande et, fuyant leurs responsabilités, insistent surtout sur le fait que les prix sont libres et que l’Etat n’a pas à intervenir sur le marché. Au printemps 2013, le prix de la pomme de terre avait chuté pour se situer autour de 30 DA le kg, qui était alors un prix raisonnable, en rapport avec le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population. L’Etat était intervenu, à travers son système de régulation (appelé Syrpalac), pour protéger les producteurs qui étaient menacés d’une baisse drastique de leurs revenus. Mais aujourd’hui, moins de 18 mois après, le «marché» s’est complètement retourné, pour propulser ce produit de base à plus de 100 DA le kg, plus de 300% d’augmentation. L’Etat n’a pas l’air de vouloir intervenir pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs à bas et moyen revenus. La loi de l’offre et de la demande fonctionne-t-elle dans un seul sens ? Où est le système de régulation censé rééquilibrer le marché de la pomme de terre ? La menace de l’importation n’a même été brandie, sans doute à cause du mauvais souvenir des patates pour cochons qui avaient ramenées du Canada via des importateurs sans scrupules, pour nourrir des Algériens. Mais l’Etat qui intervient pour rassurer les producteurs inquiets pour leurs revenus doit maintenir sa présence pour que la pomme de terre et les autres produits agricoles de base soient offerts à des prix intéressants pour le consommateur. Le pic exceptionnel du taux d’inflation à 8,9% en 2012 avait été imputé principalement à la désorganisation sur le marché interne des produits frais. La situation est toujours aussi anarchique, deux ans après. Le ministre de l’Agriculture rejette la responsabilité sur le ministre du Commerce qui est curieusement silencieux, tout comme les «experts».
K. M.
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