Acharnement d’un média africain contre l’islam : campagne commanditée ou haine interreligieuse ?
Le réseau Nerrati-Press, qui publie notamment un site électronique, Nerrati-Net, se veut à l’origine un instrument de prédication du christianisme en Afrique, mais ses promoteurs l’ont vite transformé en une tribune d’une rare virulence contre la religion musulmane. Son but est d’entretenir l’amalgame entre l’islam adopté par des millions d’Africains depuis des siècles et l’islamisme radical et violent qui s’est incrusté dans certaines parties du continent. Amalgame qui est aussi censé attiser le feu de la haine contre ceux qui s’identifient à cette religion. C’est ainsi que ce site publie une série d’articles présentés sous une forme exégétique, non pas pour démonter les excès pratiqués par les extrémistes islamistes, eux-mêmes partisans de l’excommunication des autres croyances, encore moins pour dénoncer la fatuité de certaines fatwas utilisées par des prédicateurs autoproclamés pour justifier des pratiques inventées à l’effet d’asseoir leur autorité religieuse. Ces écrits s’attaquent à l’essence même de l’islam, en essayant de chercher dans le Coran la source de toutes les dérives vécues par les musulmans et en corroborant la thèse selon laquelle la violence et la haine de l’Autre seraient au fondement même de ce texte sacré ou «la marque de fabrique de l’islam», comme c’est écrit dans une réponse à un commentaire posté récemment. Dans l’un de ces articles proposés par la direction du réseau Nerrati-Press, mais jamais signés, on tente de prouver que l’islam a toujours mal considéré les non-musulmans, en évoquant le principe dit «ahl dhimma», appelé ici «dhimmitude» et assimilé à une pratique de l’apartheid. Selon l’auteur de cet écrit, le Coran, dans la Soura 9, versets 5 et 29, suggérerait que la «djizya», imposée aux non-musulmans vivant sous le règne des musulmans, doit être perçue «avec humiliation». L’auteur estime que ce statut de «dhimmitude continue d'être appliqué dans des pays musulmans en ce début du XXIe siècle, avec plus ou moins de sévérité, selon le degré de réintroduction de la charia dans les lois du pays», mais ne cite aucun exemple. Reprenant d’anciennes théories fantaisistes véhiculées notamment par les évangélistes, un autre article tente de réduire le Prophète de l’islam à une «simple création des judéoNazaréens pour la reprise de Jérusalem aux Romains», suivi d’un autre énumérant les «influences du nazaréisme» sur l’islam. Selon cette thèse, très ancienne du reste, les Nazaréens pensaient que le Christ était un nouveau Moïse, et que son prédécesseur serait un nouvel Elie. L’auteur en conclut que «c'est cette idéologie qui est à l'origine de l'islam». Partant du postulat que le nazaréisme «est un pré-islam», l’auteur du texte cherche à affirmer qu’un grand nombre de thèses, de conceptions, de dogmes nazaréens «se trouvent à l’identique dans l’islam d’aujourd’hui : ‘Îsâ, le nom de Jésus, le statut du Christ, les récits de l’enfance de Marie, la confusion entre Marie et Myriam, le statut des femmes, la Trinité formée du Père, du Christ et de Marie, la conception du Paradis, le vin, interdit sur terre, mais présent en fleuves entiers au Paradis, et bien d’autres éléments». A la limite, les interférences religieuses peuvent être débattues loin des arguties stériles. L’excellent ouvrage de l’islamologue tunisien Youssef Seddik, paru en 2013 et intitulé «Nous n’avons jamais lu le Coran», analyse sans complexe les influences apportées par le judaïsme et les autres religions à l’islam, et démontre qu’elles sont d’abord d’ordre anthropologique et culturel, du fait que toutes les religions monothéistes portent, au même titre que l’islam, l’empreinte des cultures et civilisations dominantes. Alors, on se demande à quel dessein ces théories à l’emporte-pièce sont distillées aujourd’hui aux musulmans d’Afrique qui, depuis des siècles, cohabitent avec des communautés chrétiennes et païennes en parfaite harmonie.
R. Mahmoudi