La cache-cachocratie
Par M. Aït Amara – C’est à un véritable jeu de cache-cache que s’adonne l’entourage du président Bouteflika avec le peuple. Reclus dans sa résidence ? Transféré vers l'Hexagone ? Rechute ? Contrôle de routine ? Méprise d’un média français qui aurait pris un ménechme pour le Président algérien ? On s’est réveillés avec les yeux qui piquent tellement on est restés rivés sur le fil de l’APS toute la nuit dans l’attente d’un communiqué de la présidence de la République qui nous rassurât sur l’état de santé de notre Président. Mais, jusqu’à ce matin, aucune réaction n’est venue confirmer ou infirmer l’information selon laquelle Bouteflika aurait été interné dans un hôpital grenoblois après la démilitarisation du Val-de-Grâce. Le jeu de cache-cache qui, à l’origine, est fait pour divertir n’est pas du tout indiqué dans la situation actuelle du pays, où le brouillard s’épaissit au fur et à mesure que s’intensifient les voix officielles consolatrices. Pendant ce temps, le prix du pétrole baisse dangereusement, l’économie tourne au ralenti, la mèche du terrorisme est mal éteinte et le feu risque de reprendre de plus belle, la classe politique est partagée entre entristes et opportunistes récompensés par le pouvoir, d’un côté, et opposants éparpillés et sans réelle emprise sur l’opinion publique, de l’autre. Et, entre les deux, le peuple vivote grâce au faux bien-être qui lui procure une politique du bâton et de la carotte dont il semble se satisfaire pour le moment – jusqu’à quand ? On ne sait toujours pas, donc, au moment où ces lignes sont rédigées, si le président de la République se trouve dans sa résidence de Sidi-Fredj ou s’il est réellement grabataire dans une chambre hermétique quelque part en France. On ne sait pas, non plus, si la source qui a pris langue avec un média algérien a démenti le fait que le Président ait été transféré en France ou que son état de santé se soit dégradé. On pourrait deviner, aussi, que la présidence de la République attende le retour – aussi discret que son départ – de Bouteflika pour dire qu’il continue de diriger le pays plus ou moins normalement à partir de sa résidence d'Etat. En jouant sur la conjugaison et la concordance des temps, le communiqué officiel n’aura pas menti en démentant la présence du chef de l’Etat à l’étranger au moment de sa rédaction. Mais, s’interrogeraient certains spontanément, le pouvoir a-t-il atteint un tel de degré d’inconvenance dans sa relation insolite avec son propre peuple ? La réponse est malheureusement oui. Car dans cette partie de cache-cache, le peuple s’échine à découvrir la planque de son Président, tandis que ceux qui ont tout intérêt à ce qu’il occupe le palais d’El-Mouradia ad vitam aeternam délimitent le territoire autorisé pour le jeu et empêchent, ainsi, tout contact direct entre eux. A ce jeu-là, le perdant c’est l’Algérie.
M. A.-A.
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