Des experts alertent Bouteflika : «Suspendez le rachat de Djezzy avant qu’il ne soit trop tard !»
L’opération de rachat de Djezzy est loin d’être une affaire intéressante pour l’Algérie. Des experts en finances alertent le président Abdelaziz Bouteflika sur cette grosse arnaque que l'Algérie est en voie d'officialiser. Ils demandent son intervention «en urgence» pour suspendre le rachat de cette filiale de la téléphonie mobile avant la clôture définitive de la transaction prévue dans une dizaine de jours. Pour ces experts, qui ont minutieusement analysé les termes du contrat qui s’avèrent en défaveur du nouvel actionnaire algérien, à savoir le Fonds national d’investissement (FNI), cette acquisition est nocive pour les réserves de changes de notre pays. Ces experts sont catégoriques : l'Etat va perdre énormément d'argent à cause de complicités et d’une mauvaise stratégie adoptée par ceux qui sont en charge du dossier des négociations avec le russe VimpelCom. Le rachat de cette filiale coûtera, en effet, à notre pays plus que le prix d'acquisition, fixé à 2,643 milliards de dollars, en raison des conditions contractuelles actuelles. Ils relèvent, en premier lieu, le rapatriement de dividendes de 1,862 milliard de dollars d’OTA à la maison mère (GTH) détenue à 51,9% par VimpelCom, considéré comme l'un des plus grands opérateurs de services de télécommunications intégrés au monde. Autre élément souligné par ces experts, «OTA ne dispose pas du cash suffisant pour exécuter la condition suspensive du contrat de cession d'actions, conclue à Paris le 18 avril 2014, qui consiste justement à transférer 1,862 milliard de dollars. Comme il ne dispose pas également des réserves comptables nécessaires pour garantir la distribution, du fait de l'effet de l'amende de la Banque d'Algérie, soit environ 1.3 milliard de dollars, et du redressement fiscal». VimpelCom a trouvé la parade qui lui permet, effectivement, de contrecarrer les interdictions légales et réglementaires. Les experts relèvent le fait que les actionnaires d'OTA ont obtenu l'acceptation d’un certain nombre d’infractions par les acteurs de la transaction du 18 avril 2014. Il s’agit, entre autres, de la création d'Optimum avec 100% d'actionnaires étrangers, en infraction à la règle 51/49, la revalorisation du fonds de commerce d'OTA à sept fois sa valeur réelle sans aucun respect des règles comptables et du code de commerce, dans le seul but d'amoindrir l'impact comptable des amendes fiscales et de la Banque d'Algérie, et d’avoir la possibilité de transférer plus de dividendes (1,8 milliard de dollars). Si les règles comptables et le code du commerce avaient été respectés à la lettre, OTA ne pourrait pas transférer plus de 790 millions de dollars de dividendes à OTH et ses filiales. Les experts expliquent cela par le fait que la valeur actuelle d'OTA est de trois milliards de dollars. Si on déduit l’amende fiscale (990 millions de dollars) et l’amende de la Banque d’Algérie (1,3 milliard de dollars), il ne restera qu’environ 790 millions dollars. Autre infraction à la réglementation bancaire relevée par les experts, l’octroi par la BADR à OTA d'un prêt non causé d'un montant de 450 millions de dollars pour financer une partie de la distribution des dividendes. Le pire est que «le prêt ne bénéficie d'aucune garantie et les intérêts seront payés à hauteur de 51% par le FNI». OTA a également obtenu, toujours en infraction à la réglementation, le droit de transfert des dividendes hors délai prévu par la Banque d'Algérie (avant le 30 septembre). Et ce n’est pas tout. Les termes du contrat ont été écrits sur la base du droit français, faisant fi, ainsi, des règles économiques et commerciales algériennes. L'argument invoqué pour imposer la loi française sur le territoire algérien a été, précisent les mêmes experts, l'«insécurité juridique» et l'«absence totale de confiance» des actionnaires d'OTA dans notre système judiciaire dont ils arguent qu’il est «contrôlé par le président de la République». Autrement dit, quand il s’agit de siphonner l’argent des Algériens, l’Algérie est un pays «attractif», et quand vient le moment de payer les impôts et les amendes qui découlent d’une fraude fiscale à grande échelle, ce même pays devient «indigne de confiance» et «infréquentable». En réussissant à appliquer la loi française dans l’exécution de la transaction, les actionnaires d'OTA ont bel et bien organisé l'impunité totale quant aux nombreuses atteintes à la réglementation algérienne. Pour ces experts, la seule voie de salut pour le gouvernement algérien, c’est de suspendre la transaction pour revoir la stratégie et mieux négocier les termes du contrat. Il faut souligner que VimpelCom lui-même reconnaît avoir obtenu dans cette transaction plus que «ses espérances». Cet accord, qu’il juge plus que favorable à long terme, représente un succès pour lui et GTH. L’argent que va générer cette transaction va libérer quatre milliards de dollars en espèces qui permettront le remboursement la dette brute de GTH et de Djezzy. Outre d’avoir «résolu» le différend entre OTA et le fisc et la Banque d’Algérie à moindre coût, ce contrat va davantage consolider la position de Djezzy en Algérie. Cela, surtout que, toujours selon le contrat, GTH continuera à contrôler Djezzy. Affaire à suivre.
Rafik Meddour