A quoi joue Trévidic ?
Par R. Mahmoudi – Le juge antiterroriste français chargé de l’affaire de l’assassinat des sept moines de Tibhirine confirme, une nouvelle fois, qu’il obéit davantage à d’obscurs desseins politiques qu’à sa conscience et à la loi. En projetant de lancer dans les prochaines semaines une nouvelle commission rogatoire internationale, il ne fait pas que manquer à ses engagements initiaux avec les autorités algériennes, mais choisit de s’enfoncer dans des préjugés d’une extrême gravité. A la presse, il vient d’expliquer, mais sans en être sûr, que l’Algérie «ne dispose pas» de moyens techniques et scientifiques lui permettant de conserver les prélèvements pris sur les corps des moines assassinés. Chose qui risquerait, selon lui, de «détruire irréversiblement tout le travail». Pour lui, et pour tous les journalistes qui lui servent d’appui dans cette affaire – les mêmes d’ailleurs depuis le début du terrorisme en Algérie –, le refus d’Alger de remettre ces fameux échantillons à l’équipe d’experts français, qui n’avait pourtant rien demandé au départ, trahit une volonté délibérée d’occulter la vérité, que seule une expertise française, exempte de tout soupçon, serait capable d’établir. Pour un magistrat, commencer son enquête avec des a priori est déjà une faute éthique intolérable. Où est la présomption d’innocence ? Il va même jusqu’à juger que les autorités algériennes «ne savent pas quelle est la vérité dans cette affaire» et qu’elles «ignorent même ce qu’on peut tirer des prélèvements». «Leur seul souci, assène-t-il, c’est de ne pas sortir de la version officielle.» Et malgré tout cela, il ose parler d’«obligations morales» qui doivent amener «le pouvoir algérien», grâce à sa nouvelle commission rogatoire, à accepter les conditions, les siennes, devant permettre d’achever le travail. En posant le transfert des prélèvements en France, pour qu’ils puissent y être examinés par des experts français, comme préalable pour la poursuite de son enquête, ce juge ne pousse-t-il pas, en même temps, à renvoyer la balle aux politiques de son pays, ceux-là mêmes qui avaient tout fait pour judiciariser une affaire purement politicienne ? Si ce énième rebondissement du juge Trévidic a un mérite, c’est celui d’avoir permis de démonter les fausses assurances des gouvernements algérien et français, qui continuent à se gargariser d’une «excellente» coopération judiciaire entre les deux rives. Même si l'on sait que toutes les déclarations du juge, tout son jeu, ne gênent aucunement les locataires de l’Elysée ou du Quai d’Orsay. Bien au contraire.
R. M.
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