L’histoire du Rif occupé par le Maroc : l’ignoré émir Abdelmalek El-Djazaïri

Son histoire est toujours ignorée. Nous ne cherchons pas le pourquoi, car nous savons que certains incultes ne peuvent rien donner, seulement des histoires de science-fiction, montées et réalisées dans un cercle fermé. Maintenant, avec le souffle nouveau de l’internet, on se passe de certains journaux incapables de présenter à leurs lecteurs un menu confortable. Il est cependant plus qu’un besoin d’évoquer les noms et les actions des révolutionnaires aux générations montantes pour qu’elles gardent le lien avec le passé glorieux de cette patrie de l’Afrique qui est l’Algérie, et ce, en vue de consolider le présent en faisant échec aux divers courants idéologiques qui s’abattent sur notre société dans le but de la corrompre pour mieux l’asservir. C’est pour cela que cet article traite des illustres combattants de la liberté. L’émir Abdelmalek qui a dirigé la révolte armée au Maroc contre l’occupation française de 1916 à 1924 est considéré comme le père des services de renseignement algériens. Il est le premier Algérien colonel dans l’armée française spécialiste dans les renseignements, et il était toujours conscient que la France est son ennemi principal. Il est le fils de l’Emir Abdelkader El-Djazaïri et vivait auparavant à Damas en Syrie avec ses neuf frères et ses dix sœurs, après la mort de son père, survenue le 23 mai 1883 dans cette ville. Tous les enfants de l’Emir Abdelkader reçurent le titre honorifique de «pacha» de la part du sultan calife. C’est ainsi que l’émir Ali, un des fils de l’Emir Abdelkader, avait été promu par le pouvoir ottoman du poste de député à Damas à celui de vice-président du Parlement ottoman. La France, de son côté, invita l’émir Omar à Paris, le combla de décorations et organisa en son honneur une fête. Quant à l’émir Abdelmalek, l’Allemagne prit contact avec lui. Il retourna en Algérie et intégra l’armée française. En 1906, à la suite de la conférence d’Algésiras, Abdelmalek fut nommé chef de la police à Tanger, au Maroc ; il faut signaler qu’à cette époque, cette ville était un centre d’intrigues, de propagandes et d’espionnage par les grandes puissances rivales, notamment la France et l’Allemagne. L’émir Abdelmalek était la cible favorite des agents de ces puissances, ceux de l’Allemagne en particulier ; il prit position et se rallia à l’ennemi de ses ennemis : l’Allemagne. Quand, en 1914, la guerre éclata, les ministres des puissances centrales à Tanger furent expulsés. En avertissant secrètement le chargé d’affaires allemand, l’émir Abdelmalek lui donna le temps de détruire des documents compromettants. Selon certaines sources, Abdelmalek avait des rapports étroits avec l’agent allemand Albert Barres, connu sous le pseudo de Si Hermann. Ce dernier était une sorte de Lawrence du Maroc, opposé aux Français. Au mois de mars 1915, après avoir envoyé sa famille en Espagne, l’émir Abdelmalek déclara la guerre à la France. Les nationalistes rifains, opposés au traité du protectorat, se rallièrent à cette cause, l’un d’eux, l’émir Abdelkrim El-Khettabi, servait d’agent de liaison entre Abdelmalek et les puissances d’Europe centrale. Son rôle consistait à faire passer des armes et des munitions par l’Espagne. Abdelmalek coordonna ses stratégies guerrières contre les colonialistes français avec celles d’autres dirigeants marocains qui s’étaient révoltés contre la France depuis la déclaration du protectorat, tels Achiba, Ach Chin Guiti… Sur le plan diplomatique, c’est l’émir Ali, frère d’Abdelmalek, qui joua un rôle important. Il se déplaçait entre Istanbul, Berlin et Genève durant toute la guerre et entretenait un contact permanent avec les déserteurs algériens de l’armée française et les prisonniers des camps allemands. L’émir Ali servait de porte-parole à Abdelmalek à l’étranger. Les activités guerrières de ce révolté algérien étaient rapportées par la presse étrangère, en particulier par l’agence allemande Waff. Les soldats algériens, déserteurs et prisonniers, étaient bien traités par les Allemands. Desparmet raconte que l’émir Ali préparait ces soldats bien entraînés dans une optique patriotique. Une fois bien préparés, les soldats étaient envoyés en Algérie pour participer aux insurrections populaires. A noter qu’en Algérie, en 1916, éclatèrent plusieurs actions de guérilla, s’étendant depuis la Kabylie jusqu’à l’ouest du pays pour atteindre le Hoggar. Un grand nombre de déserteurs de l’armée française gonfla les rangs des révolutionnaires. Les chefs religieux soutenaient ces insurrections. Aussi, on indique qu’en 1916, le comité musulman pour l’indépendance des pays de l’Afrique du Nord a été créé à Berlin. Les cérémonies furent rehaussées par la présence de hauts dignitaires allemands, de l’émir Ali et de jeunes Algériens intellectuels dissidents. Cette initiative donna un souffle nouveau à l’action armée de l’émir Abdelmalek au Maroc et aux révoltes en Algérie. Après la défaite de l’Allemagne en 1918, l’émir Abdelmalek réussit à s’assurer le soutien de l’Espagne. Par ailleurs, grâce à sa popularité et son prestige, il continua à recruter un nombre important de Marocains au point qu’il conserva une forte armée. Une revue française écrivait à cette époque : «L’émir Abdelmalek est notre rocher de Sisyphe. Chaque fois que nous le repoussons, il nous marche à nouveau sur les pieds.» En effet, au cours des multiples batailles, il avait infligé aux colonialistes français de lourdes pertes tant humaines que matérielles. C’est pourquoi la France avait désigné à la tête de son armée au Maroc l’un de ses meilleurs chefs, le maréchal Lyautey qui pratiqua une répression très brutale contre la population marocaine, avec des crimes contre l’humanité. Il est à signaler que les Algériens suivaient attentivement les actions armées menées par l’émir Abdelmalek. Le «téléphone arabe» comme on dit fonctionnait à merveille. Leur animosité à l’égard des colons s’accentuait davantage. Malheureusement, des divergences, en matière de stratégie et d’alliance, sont apparues entre Abdelmalek et Abdelkrim, ce qui allait affaiblir leurs forces. En effet, Abdelkrim se sépara d’Abdelmalek et prit la tête de contingents marocains du Rif soulevés contre l’Espagne. C’est alors que la France et l’Espagne se rallièrent et conjuguèrent leurs efforts contre les deux révolutionnaires. Ces deux sœurs latines parvinrent à neutraliser les deux chefs de la révolution, l’émir Abdelmalek fut tué au cours d’une bataille au mois d’août 1924 au lieudit Al Azib Al Midar, près de Tétouan (Maroc), et l’émir Abdelkrim fut contraint à l’exil en 1926. La contribution de l’émir Abdelmalek au nationalisme maghrébin a été considérable. La révolte armée de l’émir Abdelmalek, comme l’écrit le docteur Saad Allah dans son livre La montée du nationalisme en Algérie, doit être considérée dans une triple perspective : africaine, maghrébine amazighe et arabe. 52 années après l’indépendance, aucune commémoration du valeureux combattant, il demeure inconnu. Nous ne croyons pas à l’amnésie des responsables algériens. Est-ce par ignorance de l’histoire ? Ou les gens qu’il faut ne sont pas à la place qu’elle faut ? Ou est-ce alors plutôt prémédité pour occulter l’Histoire ? D’ailleurs, nous constatons depuis 1980 la transformation de la culture et du savoir en une simple «halqa» de dance et de musique raï. L’émir Abdelmalek, son père Abdelkader, son neveu l’émir Khaled et tous ceux qui ont contribué à la survie de la conscience nationale et au maintien de l’indépendance de notre pays doivent figurer dans nos livres d’Histoire… Quelques responsables ont monopolisé l’écriture et la publication depuis les années soixante-dix, ce qui handicape nos livres d’histoire et surtout l’histoire de notre révolution depuis 1830.
En évoquant les noms et les actions de ces hommes, nous ne ferons que nous rendre justice et éclairer le chemin pourtant bien balisé par un mouvement révolutionnaire des plus marquants de l’histoire humaine. Agir dans ce sens, c’est assurer la stabilité du pays et protéger notre personnalité de toute tentative d’aliénation culturelle.
Cheikh Hamdane
 

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