Pourquoi s’en offusquer ?
Par Kamel Moulfi – En déclarant que les femmes ne peuvent pas être naturellement égales aux hommes, le président turc Erdogan a provoqué une avalanche de réactions d’indignation, voire d’hostilité, dans divers milieux et, évidemment, en premier lieu, chez les militantes qui luttent pour les droits des femmes. Erdogan s’appuie sur la religion : «L'islam a défini une place pour les femmes dans la société : la maternité.» Ces paroles lancées – quel cynisme ! – en marge d'un sommet sur la justice et les femmes à Istanbul nous rappellent un discours déjà entendu en Algérie à la fin des années 1980. Et, en y regardant de plus près, on trouve qu’il n’y a pas de quoi s'offusquer des propos d'Erdogan au sujet de la femme, sinon ce serait : 1/ au pire nier, au mieux oublier, que c'est un intégriste ; 2/ croire faussement que les intégristes sont reconnaissables uniquement à leur barbe et à leur qamis, or, on sait depuis longtemps que l'intégrisme n'est pas qu'un simple accoutrement et une apparence, mais, plus grave, un état d'esprit et une nature. Aussi, les propos du président turc n'ont rien de surprenant. Il reste à savoir si, en usant de son apparence «neutre», ni barbe ni qamis, il réussira à tromper sa population et à inverser le mouvement lancé il y a quelques générations, par le fondateur de la République moderne et laïque de Turquie, Mustafa Kemal Ataturk. La conception conservatrice de l’islam, chez Erdogan, utilisant comme levier la question sensible de la place de la femme dans une société turque caractérisée par des poches d’arriération en milieu rural notamment, a-t-elle encore des chances de l’emporter ? La réponse vient de Tunisie. En effet, en optant pour Béji Caïd Essebssi, les Tunisiens veulent revenir plus au côté «émancipateur» de la période de Bourguiba qu’au despotisme de Ben Ali. Par émancipation, on comprend principalement les libertés accordées à la femme tunisienne qui ont constitué un facteur décisif dans la modernisation du pays. Les électeurs tunisiens ont sanctionné le président sortant Moncef Marzouki pour sa compromission avec les islamistes d’Ennahda porteurs d’intégrisme et freins au progrès parce qu’hostiles à l’émancipation de la femme. L’exemple à suivre est en Tunisie pas en Turquie.
K. M.
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