Bagarre à distance entre Hanoune et Haddad : qu’est-ce qui divise les soutiens de Bouteflika ?
Louisa Hanoune n’était pas invitée au dîner offert jeudi dernier par Ali Haddad à El-Aurassi, un dîner que n’ont pas osé bouder, par contre, un certain nombre de ministres et Sidi-Saïd, le secrétaire général de l’UGTA. Elle aurait rendu le méchoui indigeste et gâché la fête. La présidente du Parti des travailleurs et le futur président, à partir de ce jeudi 27 novembre, du Forum des chefs d’entreprises se sautent à la gorge, heureusement par médias interposés. Sur la chaîne de télévision algérienne privée Ennahar, la femme politique a multiplié ses accusations contre l’homme d’affaires, dont elle ne cite pas le nom, mais il s’agit, bien entendu, d’Ali Haddad. En parallèle, elle développe aussi des insinuations sur les risques de ce qu’elle appelle la «mafiosisation» de l’économie. Ce n’est pas le seul concept qu’elle a introduit, elle a repris les commentaires de journalistes qui parlent de «berlusconisation» à la mode italienne et utilise elle-même le terme d’oligarque qui renvoie à une connotation négative, pour ne pas dire terrifiante. Elle récuse à Ali Haddad le droit de parler de l’économie algérienne en donnant des orientations et met en garde contre le mélange des genres qui efface la limite entre la fonction de ministre de la République et celle de patron d’entreprise. Naturellement, les proches d’Ali Haddad qui se sont faits les avocats de l’homme d’affaires – et eux aussi n’ont pas la langue dans la poche – ont riposté tout en se limitant à exprimer leur incompréhension face à ces attaques. Ils ont eu raison de prendre au sérieux la diatribe de Louisa Hanoune et d’être prudents. Des précédents prouvent qu’elle ne parle jamais pour rien. Mais la question qui triture les esprits est toute simple : pourquoi cette «dispute familiale» entre deux soutiens actifs au quatrième mandat, l'un politique, l'autre financier ? L’élection présidentielle est encore proche, quelques mois, et les observateurs se souviennent du comportement paradoxal de Louisa Hanoune, à la fois concurrente du président sortant et soutien implicite à sa réélection pour un quatrième mandat. Elle a été prompte à accepter les résultats du scrutin et à saluer la victoire de Bouteflika. Sur l’autre face, même combat pour Ali Haddad : les médias avaient fait état de son activisme pour lever, parmi les patrons membres du FCE, les fonds destinés à financer la campagne de Bouteflika, et pour amener cette organisation à s’aligner sur les autres partis et formations politiques, professionnelles et sociales dans leur soutien à cette candidature, alors que deux autres patrons de poids, Issad Rebrab et Slim Othmani, claquaient la porte du FCE pour exprimer leur opposition à cette démarche. Il est évident que sans Ali Haddad, le FCE ne se serait pas fourvoyé d’une manière aussi tranchée dans une compétition politique de ce niveau. La contradiction réelle, qui s’exprime en termes violents, entre deux soutiens du président, Louisa Hanoune et Ali Haddad, met à nu les divisions qui déchirent, pour diverses raisons, le pouvoir.
Houari Achouri