Des sociétés étrangères contournent la règle des 51/49% en manipulant les bilans fiscaux
Si la règle 51/49% peut être considérée comme un frein au développement de l’investissement étranger, parce qu’elle oblige le partenaire étranger à ne détenir que 49% du capital social, certains investisseurs étrangers réussissent à la contourner. Des experts sollicités par Algeriepatriotique ont expliqué comment des firmes étrangères contournent la règle 51/49% et, plus grave encore, comment elles arrivent à réaliser de gros bénéfices, tout en déclarant un bilan négatif aux services fiscaux algériens. Parmi ces entreprises étrangères, l’assureur français AXA qui profite des plus grandes marges de progression qu’offre l’Algérie pour les assureurs, et ce, grâce, entre autres, à sa manne pétrolière et à sa croissance démographique. A propos de cette multinationale française, nos sources évoquent «une évasion fiscale» flagrante. Observons les réalisations d’AXA en Algérie pendant le premier semestre de l’année en cours. Un rapport sur l’état du marché des assurances de personnes en Algérie, dont nous détenons une copie, montre qu’AXA détient 20,43% de parts de marché, occupant ainsi la deuxième place du classement des compagnies d’assurances dans notre pays. AXA est en troisième position pour ce qui est de la «garantie accident» avec un chiffre d’affaires de 124 887 000,00 DA, soit une augmentation de 317% par rapport à l’année 2013. Le produit «garantie assistance» a connu une hausse de 98,4% par rapport à l’année dernière, avec un chiffre d’affaires cumulé de 169 208 000,00 DA. Pour le produit «prévoyance collective» ou «assurance groupe», cette compagnie en est carrément le leader avec un chiffre d’affaires cumulé de 454 408 000,00 DA, avec une augmentation de 53% par rapport au premier semestre 2013. Comment cette compagnie peut-elle être déficitaire alors qu’elle connaît les meilleures tendances dans le secteur ? Pour nos experts, AXA utilise la ruse du déficit pour augmenter son capital social et inverser le pourcentage exigé par la réglementation algérienne concernant le partenariat.
«En déclarant être en déficit, cette compagnie va demander l’argent à la maison mère, sachant pertinemment que ses deux partenaires algériens ne peuvent avoir l’argent pour renflouer leurs caisses. Une fois qu’elle aura obtenu l’argent, AXA leur suggérera de racheter leurs actions ou bien d’augmenter son propre capital. La deuxième option est la plus probable, ce qui fait que sa proportion devient la plus importante. De là, la règle 49/51 n’existera plus», ont-ils expliqué. Les responsables de cette multinationale sont très malins. Parce qu’ils vont amener leurs partenaires algériens à accepter l’augmentation de son capital. «Si l’actionnaire algérien refuse cette augmentation, AXA voudra se retirer du marché algérien. Et ceci n’est pas bon pour l’image du pays, car la présence d’AXA sur le marché algérien sert de vitrine», ont-ils attesté. Il faut savoir, également, que le management opérationnel est totalement contrôlé par AXA. Ça ne l’arrange pas de dépendre de l’actionnaire algérien, lequel pourtant n’a pas son mot à dire. Par conséquent, elle fait ce qu’elle veut. C'est-à-dire, continuer de créer la faillite pour pousser l'actionnaire algérien à se détacher d’elle.
Quelle stratégie de management adopte-t-elle ?
La politique commerciale d’AXA est qualifiée «d’agressive» avec des avantages supplémentaires par rapport à ce que proposent les autres compagnies. Nos experts expliquent que le management de cette compagnie se base sur une approche contraire à l’éthique. «Au début, elle établit des tarifs de base très élevés. Ensuite, elle diminue ses tarifs sachant qu’elle recevra tout l’argent nécessaire de la maison mère. Par conséquent, elle étouffe les sociétés concurrentes lesquelles ne peuvent pas diminuer leur chiffre d’affaires au risque d’une faillite. Une fois la concurrence étouffée, AXA remonte ses tarifs.»
Transfert de capitaux ?
La réassurance est l’assurance des sociétés d’assurances. Son principe est qu’une société d’assurances cède tout ou une partie de son portefeuille et, donc, de son risque, mais aussi de sa prime et des sinistres, auprès d’un ou plusieurs réassureurs. A qui envoie AXA sa prime annuelle ? Qui est son réassureur ? Nos experts sont unanimes : c’est AXA réassurance ou AXA RE. En règle générale, aucune compagnie d’assurances ne fait de rétention. Elle retient à son niveau juste 10% de la prime et le reste est transféré au réassureur. Prenons l’exemple du chiffre d’affaires qu’AXA a réalisé en «garantie accident» et qui s’élève à 124 887 000,00 DA. Elle ne retiendra que 10% de cette somme, c'est-à-dire 12 488 700 DA, et 112 398 300 DA seront transférés à AXA RE, qui n’est autre que la maison mère. AXA n’est jamais perdante et ses capitaux sont transférés en devises à l’étranger. Autre chose importante, ajoutent nos sources, AXA possède des polices d’assurance partout dans le monde, qu’elle impose à ces clients qui sont implantés un peu partout sur le globe. Une entreprise assurée chez AXA est obligée d’aller assurer ses filiales en Algérie chez cette même compagnie. Les filiales seront regroupées dans une même police au grand bonheur de cette compagnie qui recevra la prime dans sa totalité. AXA assurances vient d’être citée dans une enquête réalisée en partenariat avec le consortium de journalisme d’investigation américain et quarante médias étrangers concernant les dessous du système fiscal luxembourgeois. Cette enquête révèle comment des multinationales, à l’instar d’AXA, «s’appuient sur le Luxembourg et ses règles fiscales souples, mais aussi sur les failles de la réglementation internationale, pour y transférer des profits afin qu’ils n’y soient pas taxés, ou très faiblement». Ces multinationales réalisent des milliards d’euros d’économie chaque année en «désavantageant» les Etats où ces profits sont réalisés. Pour AXA, la règle 51/49% n’est pas un handicap pour son investissement en Algérie. Cette entreprise vend ses produits en dinar et transfère ses bénéfices en devises à l’étranger. Où est l’équilibre économique ? L’Etat devra revoir la réglementation concernant le secteur des IDE en l’améliorant, afin d’en colmater les failles, pour l’intérêt économique du pays. Et, pourquoi pas, revoir la quote-part du 49% pour le partenaire étranger si celui-ci s’engage à transférer sa technologie. En attendant, l’Etat algérien passe sous les fourches caudines des investisseurs étrangers au détriment du développement pérenne de l’économie du pays.
Mohamed El-Ghazi