Relations algéro-françaises : des accords en trompe-l’œil et une logorrhée diplomatique
Annoncée en fanfare, la visite qu’entamera demain, jeudi, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à la tête d’une forte délégation tend à confirmer la relation déséquilibrée qu’entretient sciemment la France avec son ancienne colonie. Certes, une vingtaine d’accords «emblématiques pour l’avenir de la coopération» seront, selon le Quai d’Orsay, signés et serviront de trompe-l’œil pour faire croire que les échanges entre les deux pays sont dynamiques dans les deux sens, alors que la réalité est tout autre. L’usine du constructeur automobile Renault, inaugurée avec méchoui et tutti quanti à Oran, était présentée comme un gage de bonne volonté du gouvernement français pour relancer la coopération économique mais elle s’est avérée n’être qu’un placébo. Le ministre français de l’Economie et de l’Industrie, Emmanuel Macron, s’en est enhardi jusqu’à faire un aveu à peine voilé sur les vraies raisons qui ont poussé la France à consentir un tel investissement. Il confessera en réponse à la pasionaria de l’extrême droite Marine Le Pen, qui s’émouvait de voir la marque au Losange investir en Algérie, que cette usine ne permettra aucun transfert de technologie. Il relèvera même que la France est gagnante sur toute la ligne, s’offrant même le luxe de s’assurer une certaine mainmise sur le marché de l’automobile algérien avec, bien sûr, la bénédiction des pouvoirs publics algériens. La France continue donc de se comporter comme si l’Algérie était sa chasse gardée. Les Algériens se contenteront d'«avaler» la logorrhée diplomatique des responsables français. Des expressions creuses telles que «partenariat d’exception» et «partenaire incontournable» émailleront les discours sans qu’ils soient suivis par des actes. Mais peut-on raisonnablement reprocher à la France de vouloir faire du merchandising pour les produits de ses entreprises et de faire du lobbying pour s’adjuger des marchés ? En diplomatie, il n’y a pas d’amis mais des intérêts. On peut s’interroger, en revanche, sur le peu d’intransigeance des dirigeants algériens quand il s’agit de négocier pour avoir des acquis économiques. Mais là où d’autres gouvernants se soucient de l’intérêt général d’une nation, les nôtres se prosternent pour s’assurer des dividendes personnels hypothéquant sérieusement l’avenir d’un pays.
Rafik Meddour