Jacob Cohen à Algeriepatriotique : «Le pouvoir en France est à 100% derrière le lobby judéo-sioniste»
Algeriepatriotique : Vous dites que la reconnaissance de l’Etat de Palestine par le Parlement français est une immense arnaque. Y aurait-il des objectifs inavoués derrière cette reconnaissance ?
Algeriepatriotique : Vous dites que la reconnaissance de l’Etat de Palestine par le Parlement français est une immense arnaque. Y aurait-il des objectifs inavoués derrière cette reconnaissance ?
Jacob Cohen : Effectivement, il y a des objectifs inavoués. Le premier est de faire un acte qui n’a aucune portée réelle, concrète. Ce sont des mots, de belles paroles, qu’on entend depuis des décennies de toutes parts sans jamais aboutir. La «reconnaissance» ne s’accompagne pas d’une fixation des frontières ni de la légitimité de Jérusalem comme capitale du futur Etat palestinien. Le deuxième objectif inavoué est de perpétuer cyniquement l’occupation israélienne, de légitimer pour ainsi dire les conquêtes coloniales des sionistes en Cisjordanie. Pourquoi ne pas avoir fait cette reconnaissance en 1993 ? En fait, l’Occident et donc la France cherchent à faire lanterner les Palestiniens en leur donnant beaucoup d’argent, utile pour la nomenklatura palestinienne, et en leur accordant des mesures symboliques sans portée réelle comme l’adhésion à l’Unesco. Le message aux Palestiniens est le suivant : «Soyez patients, ne vous révoltez pas, soumettez-vous aux Israéliens, protégez leurs colonies, persécutez les vrais résistants, négociez sans fin, et peut-être, un jour, si vous êtes bien sages, on vous donnera un semblant d’Etat, ou un Etat croupion, ou un Etat à souveraineté limitée.» Le troisième objectif inavoué, le plus grave et le plus dramatique : il n’y aura jamais un Etat de Palestine. J’entends par là un Etat réellement souverain au sens du droit international, maître de son sol, de son espace aérien, de ses ressources hydrauliques et de ses frontières, de la composition de sa population. Si quelqu’un croit à la possibilité d’un tel Etat, il est soit naïf, soit cynique, soit l’allié objectif d’Israël. Croire qu’Israël rendra la vallée du Jourdain, l’Est de Jérusalem, évacuera une grande partie de ses colonies, c’est faire preuve d’une irresponsabilité monstrueuse, c’est mener le peuple palestinien au désastre.
Beaucoup estiment que cette reconnaissance est une dynamique positive, un pas de gagné… N’estimez-vous pas que c’est un processus de décolonisation naturel qui est en train de s’installer ?
Mais quel processus de décolonisation ? On croit rêver. A la signature des accords d’Oslo, il y avait 150 000 colons. On en est aujourd’hui à 650 000 colons. Après 21 années de «négociations». Que l’on continue ainsi de «négocier» et de remporter des victoires symboliques, et bientôt il y aura un million de colons. Pour qui connaît un tout petit peu l’idéologie sioniste et la pratique impériale israélienne, sans compter leur racisme viscéral à l’égard des Arabes, jamais, je répète jamais, l’Etat sioniste ne tolérera l’épanouissement d’un nationalisme palestinien. Je suis surpris par la «naïveté» des Arabes, quel que soit leur niveau, à n’avoir pas saisi la nature du sionisme. Je suis non moins consterné par leur faiblesse endémique. Si les Palestiniens n’étaient pas dirigés par une «nomenklatura» corrompue, lâche, pusillanime, gavée par les millions, ils utiliseraient une arme redoutable à leur disposition. Qu’ils donnent toute la terre aux Israéliens et qu’ils se battent pour un système démocratique comme en Afrique du Sud. Cette perspective effraie tellement Israël, l’Amérique, le monde arabe, les chancelleries européennes, l’ONU, qu’ils déversent des milliards sur cette misérable portion de Palestine pour qu’ils continuent à jouer le jeu des sionistes et de l’Occident : briser à jamais toute perspective réelle d’une vraie Palestine indépendante.
Alors que les actes islamophobes augmentent en France, cette dernière s’obstine à faire de l’antisémitisme une «cause nationale». Cela s’est confirmé après l’agression d’un couple juif à Créteil. Les réactions excessives des officiels et des médias français ne risquent-elles pas de réveiller des tensions interreligieuses ?
Le pouvoir en France a choisi son camp. Il est à 100% derrière le lobby judéo-sioniste. Donc, tout est fait pour en faire l’interlocuteur privilégié. Au détriment de la communauté musulmane, soumise elle à une pseudo-laïcité, à un racisme rampant, à toutes sortes de manœuvres pour limiter son influence et son épanouissement. C’est le lobby judéo-sioniste, qui contrôle les principaux rouages de la République, qui impose les porte-parole de cette communauté. Celle-ci est constamment harcelée, mise en demeure de se justifier, de montrer patte blanche, de ne pas trop revendiquer. En agissant ainsi, en mettant les juifs au sommet de la hiérarchie sociale, le pouvoir joue avec le feu. Mais il dispose suffisamment de moyens et de leviers pour contrôler la situation. On peut souligner que cette politique n’est pas sans lien avec la défense inébranlable d’Israël. Si on permettait aux musulmans de France de porter fièrement leurs valeurs et d’occuper les places qu’ils méritent dans les champs politique, culturel, économique, médiatique, etc., le visage du pays serait autre, et ses orientations le porteraient à se rapprocher du monde arabe, de la Palestine. Une perspective qui fait froid dans le dos des alliés d’Israël.
Un otage français vient d’être libéré après trois ans de captivité. Tous s’accordent à dire que la France a encore une fois payé une rançon aux terroristes. Pourquoi Paris continue-t-il de se plier aux exigences des groupes extrémistes armés, selon vous ?
Tout d’abord, Paris ne s’est pas plié tout de suite. Trois ans de captivité ce n’est pas rien. La France a probablement cherché toutes sortes de moyens pour le faire libérer sans négocier. Parfois, il y a même des tentatives armées pour libérer les otages. Je pense qu’il y a des éléments qui relèvent de la raison d’Etat et de considérations géostratégiques globales et qui sont inaccessibles au simple citoyen. Le timing des libérations d’otages obéit aussi à des considérations de politique intérieure. François Hollande a besoin en ce moment d’un petit coup de pouce. Rappelons le fameux épisode de la libération des otages détenus au Liban en plein combat électoral Mitterrand-Chirac, chacun essayant de tirer la couverture. Dans ce genre d’affaire, il ne faut pas se fier aux apparences. Le cynisme étatique n’a pas de limites.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi