L’énigmatique négociateur nigérien ou comment la France a obtenu la libération de son otage
Les médias français se sont focalisés sur une personnalité nigérienne jusqu’à occulter presque le principal concerné dans l’affaire de la libération de l’otage français Serge Lazarevic. Cet homme, Mohamed Akotey, a mené les négociations secrètement entre Paris et les ravisseurs du ressortissant français enlevé par Al-Qaïda au Maghreb islamique au Nord-Mali. On apprend que Mohamed Akotey a occupé le poste de ministre avant d’être recruté par l’énigmatique firme énergétique française Areva (voir notre édito), dont il dirige le site d’Imouraren, au Niger, qui fut la cible d’une attaque terroriste et qui s’était soldée par l’enlèvement de sept personnes. Selon les médias français, Paris – comprendre les services secrets français – a alors chargé cet ancien étudiant à la Sorbonne de prendre langue avec les terroristes, un contact qui n’a jamais cessé depuis. On apprend, ainsi, à la lumière de ces révélations qui ont suivi la libération de Serge Lazarevic, que la France n’a jamais rompu le contact avec les groupes terroristes armés qui infestent la région du Sahel. Interrogé par le magasine français L’Express, le négociateur Mohamed Akotey a indiqué que la France était au courant de la libération «imminente» de son ressortissant depuis un mois et évoque une confiance qui s’est établie entre lui et les terroristes depuis la libération, grâce à son intermédiation toujours, de quatre autres otages français : «Mon sérieux et ma crédibilité (…) [m'ont] beaucoup servi». Cette affirmation du négociateur nigérien confirme, en fait, le versement par l’Etat français d’une précédente rançon à ces groupes terroristes, puisque Mohamed Akotey insinue qu’il n’a pas «trahi la confiance» des ravisseurs dont les revendications ont été acceptées. Mohamed Akotey dit avoir rencontré les terroristes d’Aqmi «neuf ou dix fois dans l’année écoulée (…) au pied de l’Adrar Ifoghas, côté est, dans le secteur de Tagharghart». C’est-à-dire là où les diplomates algériens étaient détenus par les terroristes du Mujao. L’émissaire de la France savait-il des choses sur nos diplomates dont deux seulement seront libérés après de longs mois de captivité ? Le Niger a-t-il informé les responsables algériens de la présence de ce négociateur aux déplacements nombreux dans cette zone incontrôlée du Mali ? «Je me suis appuyé sur un très grand nombre d'acteurs, qui m'ont aidé directement ou indirectement. Certains d'entre eux appartiennent au HCUA (le Haut-Conseil pour l'unité de l'Azawad), un ou deux au MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad), d'autres à Ansar-Dine ou à Aqmi», révèle encore le négociateur nigérien qui agissait pour le compte des services de renseignement français sous la couverture de N’djamena. Mohamed Akotey révèle aussi avoir été en contact avec un déserteur de l'armée malienne proche d'Iyad ag-Ghali, le fondateur d'Ansar-Dine, répondant au nom d’Ibrahim Inawelat, avant de citer Abdelkrim Taleb qu’il qualifie de principal chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ces informations révélées par le négociateur nigérien renseignent le degré d’implication des gouvernements français et nigérien dans la prolifération des groupes terroristes à nos frontières sud et la difficulté pour l’Algérie de rallier à sa doctrine des pays aux approches et aux intérêts diamétralement opposés. Comme dans les années 1990, l’Algérie ne devra compter que sur elle-même dans la lutte antiterroriste.
Karim Bouali