Benflis : «Le pouvoir n’a pas le courage d’affronter les problèmes»
Réagissant à la réunion tenue mardi à la présidence de la République pour examiner les mesures à prendre pour faire face à la baisse des cours du pétrole, l’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, a considéré, dans un communiqué adressé à notre rédaction, que la vérité à propos de la crise actuelle est cachée au peuple algérien, tout en dénonçant «le populisme» et «la gouvernance imprévoyante» dont fait preuve le pouvoir dans la gestion des affaires du pays. «Le populisme règne encore en maître sur l’action du gouvernement. Et la vérité sur l’ampleur de cette crise reste soigneusement cachée au peuple algérien. J’observe, aussi, qu’en l’absence d’un diagnostic sincère et rigoureux, la prise en charge des effets de cette crise ne peut être que douteuse. A un diagnostic erroné ne peut correspondre qu’un remède tout aussi erroné. Comme toujours, la gouvernance imprévoyante, approximative et souvent improvisée conduit nos gouvernants à privilégier les solutions de facilité et à céder à leur confort», assène M. Benflis qui estime, à propos des mesures annoncées par les autorités, que «par cette solution de facilité, le gouvernement se dispense de tout effort et de toute imagination». Pour lui, le régime politique en place «n’a plus pour souci obsessionnel que sa seule quiétude». «Ses intérêts de durée et de survie prévalent sur tout le reste. La paix sociale n’a plus de prix pour lui. Il est, et comme il l’a toujours été, prêt à lui sacrifier la santé et les équilibres de l’économie nationale. Ce régime politique en fin de parcours ne répond plus qu’aux exigences de son présent et n’a que peu d’intérêt pour l’avenir du pays tout entier», lâche encore l’ancien chef de gouvernement. M. Benflis a, par ailleurs, saisi l’opportunité que lui a offerte sa visite à la Foire de la production nationale, inaugurée ce mercredi à la Safex d’Alger, pour revenir longuement sur les obstacles qui se dressent devant une véritable relance d’une économie nationale. Et comme la manifestation intervient au lendemain de la tenue du conseil restreint au cours duquel les responsables de l’Etat ont examiné les mesures à prendre afin d’éviter un probable impact de la baisse des cours du pétrole sur le pays, M. Benflis ne s’est pas fait prier pour insister, une nouvelle fois, sur la situation économique de l’Algérie et les problèmes que vit l’entreprise algérienne. Dans sa déclaration, M. Benflis, dont le représentant a déposé au début de la semaine le dossier d’agrément de l’Avant-garde des libertés, distille plusieurs messages à l’intention des tenants du pouvoir actuel auquel il délivre quelques «recommandations» pour une véritable relance de l’économie nationale. «Après avoir effectué cette visite à la Foire nationale et après avoir beaucoup écouté nos producteurs nationaux, je n’ai qu’un seul message à délivrer à ceux que cela concerne. J’invite ceux qui ne savent pas quoi faire pour passer à une économie post-rentière à venir constater que la solution est ici. J’invite ceux qui ne savent pas quelles mesures prendre pour réduire la dépendance absolue de l’économie nationale à l’égard de l’étranger à venir trouver ici la source d’inspiration qui leur manque. J’invite, enfin, tous ceux que la crise énergétique mondiale a mis dans un état de désarroi, à venir se convaincre que c’est d’ici que doit être organisée la riposte pour faire face à ses effets redoutables sur notre économie», déclare l’ancien chef du gouvernement. S’il reconnaît que les maux dont souffre encore le développement économique et social du pays «sont connus», il estime, en revanche, que «le pouvoir en place n’a ni la volonté ni le courage politique d’y faire face». Au chapitre du constat sur ces «maux» dont souffre l’économie algérienne, M. Benflis note qu’«après plus d’une décennie et demie d’un pouvoir à vie, notre économie reste toujours rentière». «Presque rien n’a bougé et presque rien n’a changé. Notre système économique reste conçu et organisé autour de la distribution de la rente en y facilitant l’accès pour certains et en le refusant à d’autres», assène-t-il, insistant également sur le caractère «clientéliste» de notre système économique. «Outre l’accès à la rente naturelle générée par les revenus du pétrole et du gaz, nos gouvernants ont multiplié les rentes de situation au profit de leurs relais, de leurs réseaux et de leurs clientèles. Ce sont donc les pouvoirs publics eux-mêmes qui faussent la compétition et multiplient les entraves à la productivité. La compétition entre les acteurs économiques chez nous n’est pas saine, intègre et créative », indique-t-il. Sans concession vis-à-vis du système Bouteflika, M. Benflis met en avant une autre facette du système économique algérien organisé, d’après lui, «autour de la prééminence de l’acte d’importation sur l’acte d’encouragement de la production nationale». «Ce système facilite tellement l’acte d’importation qu’il en arrive au résultat aberrant de décourager et de rendre sans attractivité particulière l’investissement national», martèle-t-il, tout en relevant que notre système économique est, enfin, organisé «autour de la priorité donnée à la consommation par rapport à la création de richesses». Pour M. Benflis, «ce sont ces mêmes facteurs qui sont à l’origine de toutes les contre-performances de notre pays dans presque tous les grands classements économiques internationaux», insistant sur les places peu brillantes qu’occupe l’Algérie dans les classements mondiaux en termes de climat des affaires, d’innovation et de facilité d’obtention des prêts pour l’investissement. Il estime, à ce sujet, que le redressement économique et social de notre pays «devra impérativement prendre appui sur la libération des initiatives nationales, sur la valorisation des ressources humaines et des capacités matérielles nationales et sur la plus haute priorité qui devra être accordée à l’investissement et à la création de richesses nationales».
Amine Sadek