Interdiction du film Exodus au Maroc et en Egypte : censure ou rempart contre la propagande ?

L’interdiction de projection au Maroc et en Egypte du film américain Exodus : Gods and Kings, de Ridley Scott, inspiré de l’histoire de Moïse, relance le débat sur le poids de la censure dans le monde arabe. Mais, pour une fois, les motifs invoqués pour justifier cette mesure, prise d’ailleurs en dernière minute et dans un cafouillage total jeudi dernier, selon la presse marocaine, tiennent plus d’une volonté de récuser une interprétation jugée «fallacieuse» d’un épisode de l’histoire, en l’occurrence la traversée de la mer Rouge par le peuple juif. Une interprétation qui remet en cause la version coranique qui parle du miracle de Moïse qui a séparé la mer en deux avec un bâton. Selon le journal égyptien Akhbar al-Yaoum, le film a été interdit en Egypte à cause d’«imprécisions historiques et religieuses». On reproche également au réalisateur d’avoir sciemment choisi de montrer des Blancs dans le camp de Moïse et du peuple juif, et de représenter les autochtones en esclave noirs. Ce qui a encore irrité les quelques cinéphiles qui ont eu l’occasion de voir le film, avant qu’il ne soit retiré des salles, c’est cette incarnation divine jugée tout simplement blasphématoire. Dieu y est subrepticement représenté par un petit enfant qui parle au prophète Moïse. Au-delà du fait que le film reste une œuvre de fiction, qui autorise au scénariste ou au réalisateur une liberté totale d’interprétation et d’imagination, pour nombre de critiques et d’observateurs égyptiens, Exodus : Gods and Kings s’apparente davantage à un film de propagande qui, au nom de la liberté de critiquer les religions, projette d’imposer une idéologie bien précise, qui est celle du sionisme international. Ce n’est pas la première fois qu’un film traitant de l’histoire des prophètes suscite la controverse et essuie des critiques émanant parfois même de la communauté juive. La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese a provoqué un tollé général, à sa sortie en 1988, pour avoir essayé d’imaginer Jésus-Christ dans une position jugée «hérétique». L’idée du rejet du monothéisme reste dominante dans ces fictions, mais le mythe du «peuple élu» y est toujours présent en filigrane. Dans les pays musulmans, toute œuvre d’art traitant des questions de religion doit avoir l’aval des autorités religieuses compétentes, lesquelles interdisent notamment tout sacrilège et toute incarnation du prophète Mohammed et de ses principaux compagnons. Un motif qui a été évoqué pour interdire la projection, en 2012, du feuilleton syrien relatant la vie du calife Omar, dans plusieurs pays arabes. La télévision algérienne fut l’une des rares chaînes à avoir pris le risque de le diffuser. Mais ce n’est pas pour autant que tous les «excès» y sont autorisés. En Algérie, une petite scène montrant un moudjahid consommant de l’alcool dans le film El-Wahrani (l’Oranais) de Lyes Salem a déclenché une vague de protestations. C’est dire à quel point la marge de manœuvre des cinéastes, même les plus iconoclastes, dans la mise en scène des sujets ayant trait aux questions taboues reste réduite. Si la censure constitue avant tout une menace contre la liberté d’expression et de création, d’autres la justifient pour éviter toute banalisation d’idées néfastes comme le fascisme, le racisme, en se dressant contre une sorte de diktat de la pensée imposé par l'industrie du 7e art dont l'influence sur le public n'est plus à prouver.
R. Mahmoudi
 

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