Le président nigérien : «Les Occidentaux ne nous ont pas consultés avant de renverser Kadhafi»
Quatre ans après l’invasion de la Libye et l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi, les dirigeants africains commencent à sortir de leur mutisme et n’hésitent pas à accuser les puissances occidentales qui ont pris part à cette opération décidée en dehors de toute légalité internationale. Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, dont le pays souffre des répercussions de la dislocation actuelle de la Libye, en est aujourd’hui à réclamer une nouvelle intervention militaire dans le pays voisin pour circonscrire cette menace. Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, à paraître cette semaine, le chef de l’Etat nigérien en veut aux Occidentaux qui, dit-il, «ne nous ont pas demandé notre avis avant de renverser Kadhafi en 2011». Il rejoint ainsi le secrétaire général de l’Union africaine (UA), Jean Mfasoni, qui a déclaré que son organisation aurait pu résoudre la crise libyenne dès son éclatement, si elle avait été consultée par les grands décideurs internationaux. Il est vrai aussi que la plupart des dirigeants du continent africain ont mollement riposté, au départ, au projet d’invasion de la Libye. On se souvient que certains pays, comme le Burkina Faso, ont proposé l’asile à l’ancien guide libyen avant sa capture. Le Niger a notamment accordé l’asile à un de ses fils, Saad, et a refusé ensuite de l’extrader malgré les demandes répétées des nouvelles autorités de Tripoli. Par ailleurs, le président du Niger exprime sa vive inquiétude sur l’évolution de la situation en considérant que son pays et toute la région ne peuvent pas laisser la situation «se dégrader indéfiniment». «A trop hésiter, ajoute-t-il, c'est tout le Sahel qui, dans quelques mois, risque de se transformer en chaudron. » Si le dirigeant nigérien ne précise pas les termes d’une éventuelle intervention militaire en Libye, ses propos sonnent comme une alerte pour accélérer les démarches entamées par les Nations unies avec l’aide des pays du voisinage, et notamment de l’Algérie, pour trouver une solution politique au conflit qui perdure dans ce pays livré à une guerre civile et aujourd’hui menacé de partition. En réclamant ouvertement une intervention militaire des pays occidentaux, Mahamadou Issoufou demande indirectement à la France, qui fut à la pointe de l’invasion de la Libye en 2011, de «réparer» une gigantesque erreur. Ce que les Français ont décidé de faire au Nord-Mali en 2012, pour tenter d’endiguer l’afflux des groupes armés dans la région du Sahel, en lançant l’opération «Serval».
R. Mahmoudi