Attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo : la France porte une responsabilité très lourde
Au-delà de l’émotion et du respect dû aux victimes (le décès du grand Cabu, découvert à l’aube de mon parcours politique, me touche beaucoup), il est trop tôt pour analyser correctement en profondeur. Trop de pans d’ombre, trop d’inconnues occultent cette affaire. Et les théories du complot, immédiatement développées par leurs propagateurs habituels ne font que rendre l’affaire encore plus opaque. Mais une chose est certaine : l’attentat de Paris, comme les précédents, est un dommage collatéral (pour parler comme les porte-parole du Pentagone). Celui de la sale guerre que les Occidentaux, Washington, Bruxelles et Paris, mènent depuis des années en Libye en 2011, puis en Syrie depuis 2011. J’étais à Damas, il y a quelques semaines, pour la conférence internationale «Terrorisme et extrémisme religieux». J’y ai longuement exposé les responsabilités de la Belgique, mais aussi de la France et des autres pays de l’Otan, dans le développement du cancer terroriste au Moyen-Orient. Mais aussi dans la menace terroriste en Europe occidentale. Paris reçoit aujourd’hui comme un boomerang les fruits vénéneux de sa politique irresponsable au Proche-Orient. Le dossier des djihadistes français, comme celui de tous ceux venus de l’UE, illustre tragiquement la politique incohérente de l’Otan envers les islamistes radicaux. Dénoncés à Bruxelles ou Paris. Combattus en Afghanistan. Mais financés et armés comme alliés et infanterie coloniale de l’Otan en Libye, en Syrie, au Mali, ou encore dans le Caucase contre la Russie. Tout cela se paye déjà en Afghanistan et au Mali avec le sang de jeunes Européens, livrés au Moloch yankee pour mener une guerre néocoloniale, qui est avant tout «une guerre contre la Grande-Europe» (dixit le géopoliticien autrichien Von Lohausen) ! Le déclencheur de l’activisme terroriste des djihadistes au Sahel et au Maghreb comme en Afrique subsaharienne ou en Europe est en effet la réponse à un signal fort, et extrêmement irresponsable, donné depuis plus de trois ans par les Etats-Unis et l’Otan : la collaboration des services spéciaux de l’Otan, et singulièrement de la CIA, des Français et des Britanniques, avec des leaders d’Al-Qaïda et d’Aqmi, sa branche nord-africaine, en Libye, en Syrie et en Algérie. Dans cette affaire, Paris, avec Sarkozy en Libye, avec Sarkozy et Hollande en Syrie, porte une responsabilité très lourde qui rend honteuse et odieuse l’exploitation indécente par le régime Hollande de l’attentat contre Charlie Hebdo. On ne le répétera jamais trop, la vision, exemple tristement emblématique, d’un ancien de Guantanamo, dirigeant d’Al-Qaïda en Libye, Abdelhakim Belhadj, adoubé par les généraux français de l’Otan, comme «gouverneur militaire de Tripoli» en août 2011 est un mauvais signal donné à tous les djihadistes. Le même Abdelhakim Belhadj fut ensuite chargé de mission contre Damas en novembre 2011, à la tête de réseaux djihadistes en Syrie (qui ont formé la base de la pseudo-ASL), basés en Turquie, et dont les camps d’entraînement et les filières d’armement étaient précisément organisés en Libye avec la bénédiction du CNT et de ses protecteurs de l’Otan. A cela s’ajoutent dans le cas français les manipulations des services secrets. Déjà patentes dans le cas dans l’affaire Merad, agent des services français. Après l’attentat contre Charlie Hebdo, les exécutants ont quasi immédiatement été identifiés. Ce qui veut dire qu’ils étaient suivis étroitement par les services français…
Luc Michel