Mobilisation surdimensionnée et surmédiatisée : la France est-elle capable de faire face au terrorisme ?

La question mérite d’être posée au vu de la frilosité et l’impétuosité avec lesquelles les autorités politiques et sécuritaires françaises sont en train d’agir en ce moment face aux deux frères suspects, recherchés depuis deux jours, et à leurs nouveaux compères. Si les médias parisiens tentent de mettre en valeur la célérité et l’efficacité des renseignements dans l’identification des suspects, cet exhibitionnisme organisé autour du déploiement de tous les corps de sécurité pour traquer deux «loups solitaires», avec tout le climat de guerre qui s’est installé dans les rues de Paris, laisse dubitatif sur le degré de préparation de ces forces de sécurité et de l’Etat français, en général, face au phénomène du terrorisme. Ces scènes rappellent les énormes maladresses commises lors de l’incroyable assaut donné, en mars 2012, à Toulouse, contre le jeune Mohamed Merah après l’attaque meurtrière qui a fait 7 morts. Tout un escadron de gendarmes suréquipés avait été lancé contre un homme seul et qui, plus grave, n’ont pas réussi à l’arrêter puisque le suspect a finalement été abattu. Les forces de sécurité françaises n’en étaient pas à leur première «bévue» : l’intervention de GIGN pour libérer les passagers de l’Airbus détourné par des terroristes en 1994, les résultats de l’intervention de l’armée pour la libération d’un otage au Mali, en 2012, témoignent d’un manque d’expérience plutôt flagrant. Elles sont l’opposé des méthodes algériennes en matière de lutte contre les groupes terroristes qui ont prouvé leur efficacité, notamment dans le démantèlement des cellules du FIDA, groupe armé spécialisé dans l’assassinat des journalistes au début de la violence en Algérie. Des méthodes basées sur la collecte de renseignements et la discrétion qui ont souvent abouti à la neutralisation ou à l’arrestation d’éléments beaucoup plus dangereux que ceux recherchés aujourd’hui en France. Le paradoxe dans la politique française actuelle, c’est que les dirigeants, tout en se montrant excessivement alarmés et alarmants, tentent toujours de sous-estimer les risques d’une ramification rapide du terrorisme dans leur pays, en donnant le sentiment d’avoir la maîtrise de la situation et en expliquant que de telles incursions ne peuvent être assimilées à des cas de «guerre civile», comme celle qu’a vécue l’Algérie. Or, l’attaque contre le journal Charlie Hebdo a donné la preuve que d’autres groupuscules peuvent à tout moment surgir pour mener des attaques armées similaires ou plus meurtrières. La baisse de vigilance signalée, par exemple, à la veille de l’attentat autour du siège de l’hebdomadaire attaqué n’était-elle pas une autre preuve que les services de renseignements français étaient loin de pouvoir anticiper ce type d’attaques ? Devant l’urgence du moment, il est clair que le gouvernement aura d’énormes difficultés pour pallier tant de dysfonctionnements, ce qui peut le mener à des solutions abusives et inutilement répressives. Le sentiment d’impuissance est tel qu’aujourd’hui des voix se sont élevées, à la télévision, pour demander l’instauration de l’état d’urgence en France, au motif que le pays est en état de guerre. Même si le spectacle, qui est donné à voir depuis deux jours, à travers les retransmissions en direct à la télévision et reprises dans le monde entier, montre bien que la France est déjà en plein dedans.
R. Mahmoudi
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.