Allez-vous tuer Dieudonné ?
Par Kamel Moulfi – Quels hypocrites ! D'un côté, ils manifestent «en hommage aux victimes de Charlie Hebdo» et pour «défendre la liberté d'expression», de l'autre, ils «lynchent» Dieudonné pour avoir osé une «caricature». Ils ignorent qu’en France, il y a des esprits libres et éclairés, qui ne veulent pas se laisser enfermer dans une uniformité déroutante et contraire au principe de la tolérance qui encourage plutôt l’expression de la diversité. Dans cette démarche où domine une «charte graphique» unique, comme dans les partis uniques, il semble interdit de s’écarter de la phrase convenue ou y ajouter un mot encore moins un autre nom, c’est assimilé chez certains à un blasphème et passible de tout, qui sait ? Dieudonné, connu pour ses sorties hors des sentiers battus, et pour son refus du «politiquement correct» dicté par une certaine dictature médiatique, a été fidèle à sa réputation. Il a, très franchement, écrit ce que la marche de Paris, à laquelle il a pris part, lui a inspiré : «Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly.» Les tenants de la «liberté d’expression à sens unique» et qui jugent les uns et les autres selon le principe de «deux poids, deux mesures» ont appelé à le censurer. La plaisanterie n’étant pas de leur goût, elle ne doit pas passer. Il y a, dans tout cela, comme une instrumentalisation de l’émotion légitime ressentie jusqu’au-delà des frontières de la France. Pourtant, quand on voit un Netanyahou au premier rang de la manifestation, quel crédit peut-on accorder à cette initiative louable au départ ? Malgré ce couac, les Algériens qui ont inauguré, avec un courage exceptionnel et solitaire, cette forme de mobilisation, le 22 mars 1993, ont salué la marche de Paris, même si la façon dont cette dernière a été organisée laisse croire que ses inspirateurs sont à la recherche d’une unité factice qui effacerait les différences «sociales» dans un pays en crise. Cette démarche montrera bientôt son inanité. Le matraquage médiatique désignant implicitement, mais sans subtilité, un ennemi intérieur n’aura qu’un effet passager.
K. M.
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