Marianne ne comprend pas
Par Kamel Moulfi – Un communiqué de l’hebdomadaire français Marianne s’en prend à un média algérien pour avoir annoncé et commenté son interdiction en Algérie. Il lui reproche d’avoir expliqué la décision des autorités algériennes en interprétant la caricature mise en Une de ce numéro de Marianne comme «se moquant d’Allah et de son prophète» et une façon «d’éteindre le feu en ajoutant de l’essence comme si on pouvait continuer à provoquer les musulmans !». Le communiqué qualifie l’article su média algérien d’«éditorialisé» et le média lui-même de «servile et oublieux». Marianne estime peut-être que, pour s’être solidarisé avec les journalistes algériens durant la décennie de terrorisme en Algérie, il est en droit d’attendre des médias algériens qu’ils n’informent pas sur l’interdiction du dernier numéro de l’hebdomadaire français et surtout ne justifient pas cette mesure en l’appuyant par une critique de la Une de Marianne. L’incompréhension de la situation dont fait preuve Marianne en ayant l’illusion «confondante de bêtise» – celle-là oui, elle l’est – que ce numéro allait être bien accueilli par ses confrères algériens, découle d’un manque évident de compréhension du contexte actuel et des conditions dans lesquelles les journalistes en Algérie mènent leur combat à eux et à leur manière pour la liberté. Le communiqué de Marianne est caractéristique de l’intolérance – quand «nous» faisons les choses différemment qu’eux – qui alterne avec le paternalisme, quand ça leur plaît. C’est, en fait, l’attitude de beaucoup de nos amis français à notre égard. Le sacrilège serait que ce soit nous qui ayons raison. Il est vraiment dommage que Marianne se mette à croire que la caricature qu’il a mise en Une, n’est pas de nature à provoquer les musulmans, comme l’ont été, en leur temps, les caricatures de Charlie Hebdo. C’est là que se trouve la stupéfaction des nombreux amis que Marianne compte en Algérie. De toute évidence, Marianne manque de discernement pour penser que son dernier numéro confectionné dans l’esprit de l’hommage aux journalistes de Charlie Hebdo qui ont été assassinés, et avec cette Une, serait perçu de la même façon en France et dans les pays du Maghreb – le numéro a aussi été interdit au Maroc et en Tunisie. Le traitement médiatique des actes terroristes commis en France tend à orienter le débat sur la question religieuse et occulte un des facteurs déclenchant qui se trouve dans les interventions et les ingérences des dirigeants français en Libye et en Syrie particulièrement. C’est de ce côté qu’il faut agir et non pas essayer de faire admettre aux musulmans à n’importe quel prix une certaine conception de la liberté.
K. M.
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