Centres de rétention, cellules d’isolement : la France recourt à des solutions qu’elle réprouvait en Algérie
Un jeune Français de 20 ans a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir crié «vive la kalach !» en imitant le bruit de l’arme lorsqu’il a croisé des policiers en patrouille. Alors qu’il est sans emploi, il est également condamné à verser 200 euros à chacun des quatre policiers, à titre de «réparation du préjudice moral». C’est la France de l’après-attentat contre Charlie Hebdo. Ce qui paraissait «démesuré», «disproportionné» dans la lutte antiterroriste en Algérie devient «concevable» en France après cet attentat. Aujourd’hui, il est question de mesures préventives sérieuses aussi bien en France que dans le reste des Etats de l’Union européenne. Sévèrement critiqués lorsque l’Algérie les avait mis en place, les centres de rétention sont désormais à l’ordre du jour en France, de même que les cellules d’isolement, voire la déchéance de la nationalité (une chose que l’Algérie n’a jamais envisagée même au summum de l’horreur terroriste) pour les «djihadistes» français d’origine maghrébine. En fait, pour eux, c’est l’interdiction de retour. On parle aussi, pour les terroristes qui n’ont pas la double nationalité, autrement dit français, de rétablir un crime «d'indignité nationale» pour les sanctionner. La notion de crime d'indignité nationale, nous apprend-on, est née en août 1944, pour condamner des Français ayant collaboré avec les nazis pendant l'Occupation de 1940 à 1944. Les personnes reconnues coupables d'«indignité nationale» étaient alors privées de leurs droits civiques, civils et politiques, c'est-à-dire n’avaient pas le droit ni de voter encore moins d’être élues, ni même d'exercer certains emplois. Il y aura un «nouveau fichier» pour les «terroristes potentiels», entendre tous les musulmans de France et tous les musulmans voyageant vers la France et le reste de l’Europe, en fait. La vie privée de cette catégorie de Français ou de voyageurs est à mettre entre parenthèses ; illustration : «la surveillance des déplacements aériens des personnes suspectes d'activités criminelles». Outre les centres de rétention, les politiques et les médias français n’hésitent pas à parler d’état d’exception que ces mêmes politiques et médias jugeaient attentatoire aux libertés quand celui-ci était mis en application en Algérie ou en Egypte, par exemple. «A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles», a déclaré le Premier ministre français Manuel Valls dans son discours devant l’Assemblée française. Mais, rassure-t-il dans le même discours, «jamais des mesures d'exception qui dérogeraient aux principes du droit et des valeurs». Exemple : «la surveillance des détenus considérés comme radicalisés sera organisée dans des quartiers spécifiques créés au sein d'établissements pénitentiaires». «Nous devons tout connaître en permanence» sur les personnes suspectes, déclarent les responsables français. Internet et les réseaux sociaux seront surveillés sous ce prétexte. L’Algérie qui n’avait fait que se défendre contre l’hydre terroriste par tous les moyens légaux n’était pas allée aussi loin et on sait ce qu’elle a récolté comme «dénonciations» de la part de certains médias. Si ces moyens avaient été appliqués en Europe dans les années 90, on n’en serait pas là aujourd’hui. Autrement dit, au moment où l’Algérie est à la phase de réconciliation, le terrorisme en Europe est au stade du balbutiement.
Houari Achouri