Ah, le Sud est habité !
Par Kamel Moulfi – La population d’In Salah a-t-elle gagné la bataille du gaz de schiste qu’elle a lancée au début de cette année à la surprise générale ? Dans tous les cas, sa résistance admirable à un projet controversé mis en œuvre unilatéralement par le gouvernement a conduit à un résultat inattendu : Bouteflika vient de découvrir qu'il existait un sud en Algérie et que ce sud pourvoyeur de richesses est habité par des Algériens. Longtemps silencieux, les gens du Sud se sont réveillés et ont réveillé avec eux la mémoire morte d'un pouvoir concentré sur une très fine bande verte à l’extrême nord… Au Sahara, il n’y a pas que des hydrocarbures, il y a des populations et celle d’In Salah vient de prouver qu’elle existe bel et bien, en se montrant et en parlant devant les caméras des télévisions algériennes privées. «Les Algériens, eux, ne risquent pas de râler», pensait le commentateur d’un hebdomadaire parisien en livrant en exclusivité la fameuse annonce du ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, en décembre 2012, d’«un accord permettant des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l'exploitation des gaz de schiste». Il s’était lourdement trompé. La population d’In Salah a compris que le puits pilote foré dans sa proximité, présenté comme exploratoire, était en fait le prélude à l’exploitation du gaz de schiste dont elle ne veut pas. Pour la première fois, le gouvernement a fait marche arrière sous la pression de la population : il n’y aura pas d’autres puits de gaz de schiste dans la région, ni ailleurs, avant longtemps, et peut-être jamais. C’est plus qu’un gel de cette option, c’est un premier pas vers son abandon. Le puits foré près d’In Salah sera fermé «à brève échéance». Il n’y aura ni phase de développement, qui était prévue sur trois ans, ni entrée en production du site d'In Salah. Les «70 milliards de dollars sur 20 ans pour produire 20 milliards de mètres cubes de gaz de schiste par an» auront un meilleur usage au sud en servant le développement local dont les orientations générales ont été données par le mini-Conseil des ministres réuni hier. La leçon administrée par la population du Sud a été entendue : elle sera associée à tout ce qui se fera dans sa région. Le Nord qui en rêvait n’a pas encore ce privilège. C’est une action qui a payé. Les risques sur le pays sont trop grands pour que le pouvoir se permette encore une fois de «manœuvrer» comme il en a l’habitude.
K. M.
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