Partage de tâches
Par Kamel Moulfi – Le gouvernement isolé sur la revendication de la population d'In Salah – fermeture du puits de gaz de schiste foré dans son voisinage – n'a pas réussi à rompre cet isolement en faisant appel à «ses» partis, y compris ceux qui, hors alliance présidentielle, prétendent être dans l'opposition, et à ses «experts», dont certains n’hésitent pas à sacrifier leur «indépendance» pour s’inscrire dans l’urgence d’une communication institutionnelle boiteuse. L'affaire du gaz de schiste a révélé plus encore cette situation qui existait et qui s'est aggravée, en faisant mieux ressortir le consensus populaire sur cette question face au gouvernement qui se retrouve pratiquement seul. On peut dire, sans exagérer, que le peuple ne sent pas qu'il a un gouvernement, même si certaines catégories en attendent toujours des avantages pour en profiter (logement social, Ansej, etc.). De son côté, le gouvernement n'arrive plus à reprendre «contact» avec le peuple, malgré l'argent qu'il met dans la paix sociale et tous les autres artifices qu’il utilise. Les partis «alliés», mais qui ne sont pas dans le pouvoir, et les «experts» qui ne sont pas dans les institutions gouvernementales, mobilisés pour faire passer un message très mal servi par le discours officiel, sur le gaz de schiste, compromettent leur crédibilité en se faisant les relais d’une opération visant à démobiliser la population d’In Salah. La revendication populaire sur le gaz de schiste offre peu de prise à la manipulation sur le terrain et à la diversion habituelle orchestrée à partir du sommet. Elle ne comporte aucune dimension identitaire et pas de caractère politicien. Elle se résume en un seul point : fermeture du puits foré près d’In Salah, une zone habitée. Cette revendication est reconnue légitime par tous et beaucoup la trouve justifiée. Elle a recueilli l’adhésion spontanée du reste du pays, sauf du gouvernement. S’il avait trouvé une échappatoire, genre «main de l’étranger» ou «action régionaliste», le pouvoir aurait sans doute vite fait de régler son compte à la contestation, mais les conditions nouvelles imposées par la population d’In Salah ne lui ont pas laissé d’autres choix que d’affronter les vrais problèmes posés : les risques liés à l’exploitation du gaz de schiste et l’exigence de démocratie. D’où l’apport combiné des «experts» et des partis «alliés», dans un partage de tâches évident.
K. M.
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