Le ver est dans le fruit
Par R. Mahmoudi – On ne peut que se sentir blasé de voir les forums de débats sur la Toile se transformer, dans certains cas, en des tribunes pour cultiver la haine et structurer des discours dangereux jubilant devant la violence et faisant l’apologie de Daech, c’est-à-dire de la branche la plus cruelle du terrorisme, comme c’est le cas de ce journaliste algérien qui en fait sa spécialité. Mais ce qui est plus regrettable, c’est de savoir que ce cyber-activiste est diplômé de l’université des sciences islamiques Emir-Abdelkader de Constantine. Un joyau architectural pour lequel l’Etat algérien a investi des dizaines de milliards et recruté parmi les enseignants les plus éminents du monde musulman. Il faut rappeler que l’idée de construction de cette université a germé dans les années soixante-dix, et c’est le président Boumediene lui-même qui en a posé la première pierre. C’est dire à quel point les dirigeants algériens, par clairvoyance ou, à vrai dire, par manque de clairvoyance, voulaient doter le pays d’une institution prestigieuse dans le domaine de la théologie et des sciences islamiques, qui soit à la hauteur de la Zitouna ou d’Al-Azhar. L’idée était de former des ulémas éclairés, au diapason de leur époque et qui puissent aider à faire barrage au charlatanisme et autres avatars sociaux dus aux fausses interprétations de l’islam. Tout était dans l’esprit authentique de l’association des ulémas. Le succès des exemples égyptien et tunisien a dû encourager les décideurs à entretenir ce projet. Mais, quand l’islam tactique a pris le dessus, à partir des années quatre-vingt, le pouvoir a pris le risque de confier l’autorité scientifique de cette université à des adeptes déclarés de Sayyid Qotb et d’Ibn Taymiya. Des centaines d’étudiants ont été formés dans ce moule, lesquels ont, à leur tour, formaté une autre génération d’étudiants. On pensait que la tragédie des années quatre-vingt-dix avait servi de leçon pour réformer ces instituts qui fonctionnaient plus comme des vecteurs idéologiques. Mais, finalement, rien n’a été fait pour endiguer la dérive. Le ver est dans le fruit.
R. Mahmoudi
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