Rachat de Djezzy : le montant réel de la transaction tenu secret ?
Le montant officiellement déboursé par l’Etat algérien pour l’acquisition de 51% du capital d’Orascom Telecom Algérie (Djezzy) serait largement supérieur à celui déclaré de 2,6 milliards de dollars. Selon nos confrères du site d’info Algérie1 qui citent des sources proches du dossier, «il existe une clause de confidentialité entre les autorités algériennes, via le Fonds national d’investissement (FNI), et VimpelCom pour ne pas révéler le montant réel de la transaction» ; l’Algérie aurait choisi, en dernier ressort, cette option «de rachat à l’amiable» pour éviter d’aller vers un arbitrage international qui aurait coûté beaucoup plus. Il est à rappeler que ministère des Finances a confirmé, il y a quelques jours, le rachat de Djezzy par l’Etat algérien, six années après le début des négociations en vertu du droit de préemption. La transaction a permis à l'Algérie d'acquérir, via le FNI, 51% du capital d'OTA-Djezzy pour un montant de 2,6 milliards de dollars. Le ministère des Finances a indiqué, dans un communiqué repris par l’APS, que «le FNI est désormais en partenariat avec Global Telecom Holding (GTH)». A Amsterdam, siège de VimpelCom, le communiqué du Groupe se félicitait de cet accord, qui apporte du cash-flow au Groupe. L'accord stipule qu'en termes de gouvernance, le pacte laisse à VimpelCom le management opérationnel d'OTA, et confère au FNI des droits de veto sur les grandes décisions stratégiques, précise le communiqué du ministère des Finances. «Grâce à la concrétisation de cette opération et à la stabilité conférée par son nouvel actionnaire, Djezzy va pouvoir poursuivre son développement dans un marché dynamique et intensifier les investissements dans ses réseau et équipements afin d'exploiter au maximum les possibilités offertes par les évolutions technologiques récentes, et notamment la 3G», explique-t-on. Pour le financement de cette opération, le FNI a organisé un tour de table au niveau des banques et sociétés d'assurance algériennes. Le Fonds s'est adressé, le 12 novembre 2014, au marché des capitaux en Algérie et, dans le même temps, lancé un emprunt obligataire d'un montant de 160 milliards de dinars. «Cet emprunt obligataire a été clôturé le 19 novembre 2014 avec succès, dans la mesure où il a permis de réunir le montant sollicité et où il a vu la participation de plusieurs banques publiques et privées et de deux compagnies d'assurances, confirmant, ainsi, l'intérêt réservé par le marché à cette opération». L'accord entre le FNI et VimpelCom n'a, par ailleurs, aucun impact sur la prochaine restructuration interne de Djezzy ni sur ses conditions d'exploitation, dont les ressources humaines et l'emploi au sein d'OTA-Djezzy, rassure le ministère des Finances. Par ailleurs, VimpelCom précise dans son communiqué que cet accord met un terme définitif aux litiges qui opposaient les parties impliquées et à la procédure d’arbitrage international engagée contre l’Etat algérien. En outre, le pacte des actionnaires prévoit le maintien de Djezzy sous le contrôle opérationnel de Global Telecom Holding (GTH), filiale de VimpelCom, cotée à la Bourse du Caire, selon la même source. Le groupe VimpelCom ajoute, par ailleurs, que la Banque d’Algérie a levé les restrictions d’importation et de change imposées à Djezzy, après le paiement de 1,1 milliard de dollars au Trésor public, au titre d’une amende infligée au Groupe, explique le communiqué de VimpelCom. Jo Lunder, PDG de VimpelCom, a, dans une déclaration reprise par le communiqué, indiqué que Djezzy est «mieux placé que jamais sur le marché algérien grâce à ce partenariat public-privé à long terme». Pour Jo Lunder, l'accord avec le FNI «fera du bien au Groupe en libérant du cash-flow qui va permettre à GTH et VimpelCom de régler leurs dettes». Le processus entamé dès 2009 par l'Algérie pour l'acquisition de l'opérateur de téléphonie mobile Djezzy a été déclenché sur la base d'une des dispositions de la loi de finances complémentaires de 2009. Cette disposition stipule notamment que «l'Etat ainsi que les entreprises publiques économiques disposent d'un droit de préemption sur toutes les cessions de participation des actionnaires étrangers ou au profit d'actionnaires étrangers» pour mieux protéger et réguler le patrimoine économique algérien. Ce droit de préemption permet à l'Etat de récupérer les projets qu'un investisseur étranger qu'il désire transférer à une partie tierce. C'est ce qui s'est passé avec Djezzy lorsque son propriétaire, l'Egyptien Naguib Sawiris, avait vendu à un opérateur sud-africain. Karim Djoudi, alors ministre des Finances, a été chargé de gérer ce dossier. Il a confirmé «le droit de préemption de l'Etat algérien sur toute cession de l'opérateur téléphonique Orascom Telecom Algérie (filiale du groupe égyptien Orascom) à un opérateur étranger». S'ensuit alors une longue course vers un accord au début presque impossible : OTH, la maison-mère d'OTA, réclamait 7 milliards de dollars comme prix de cession et menaçait d'aller vers un arbitrage international. L'Algérie a refusé et fait appel à un grand cabinet-conseil parisien, Shearman and Sterling LLP, pour l'accompagner dans cette longue opération. Les deux parties ont annoncé aujourd'hui un accord global qui met fin à un long processus.
Meriem Sassi