L’observatoire de lutte contre l’extrémisme religieux est-il la conséquence des attentats de Paris ?

Annoncée hier mardi par le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aissa, la création prochaine d’un observatoire de lutte contre l’extrémisme religieux intervient dans un contexte national et international marqué par la montée de l’islam radical, stimulé par l’accentuation de l’islamophobie en France. L’approbation par le gouvernement de ce projet a-t-elle un lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo ? Quelque temps avant cette annonce faite par Mohamed Aissa, le tribunal d’Alger avait condamné 15 individus arrêtés lors d’une la marche des islamistes contre les «caricatures blasphématoires» de Charlie Hebdo le 16 janvier dernier. Les images de cette marche, montrant des islamistes barbus brandissant des drapeaux de l’organisation terroriste internationale Daech et entonnant des slogans de l’ex-FIS dissous ont fait le tour de l’Algérie, mais aussi du monde entier. Cette protestation qui a dégénéré à tout point de vue a valu à l’Algérie une place aux côtés du Pakistan, du Yémen et du Soudan, des pays rongés par l’islamisme radical et le terrorisme religieux. Le gouvernement algérien s’est retrouvé dans l’embarras, lui qui faisait depuis des années de la lutte contre le terrorisme l’axe principal de sa diplomatie internationale. Faire part de la création dans les plus brefs délais d’un observatoire de lutte contre l’extrémisme religieux sonne ainsi comme un signal envoyé par le gouvernement à l’étranger, dans le but de rassurer ses partenaires et de contrer cette image d’un territoire fertile pour l’extrémisme religieux, qui risque d’être collée à nouveau à notre pays. Car le radicalisme islamiste n’a jamais cessé en Algérie. De l’avis de plusieurs observateurs, il s’est même accentué ces dernières années, notamment après l’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui a ouvert la voie au retour sur la scène politico-médiatique des extrémistes ayant versé dans le terrorisme durant les années 90. Pour d’autres observateurs, la nomination même de Mohamed Aissa à la tête du ministère des Affaires religieuses vise justement à faire face à l’extrémisme religieux qui se décline notamment par des fatwas bien dosées en direct à la télévision pour tuer des Algériens, à l’instar de celle prononcée par un salafiste radical contre l’écrivain Kamel Daoud. Au vu de la situation actuelle, aussi bien interne qu’externe, les deux explications se tiennent. Mohamed Aissa, faut-il le rappeler, s’est distingué avant même qu’il soit ministre par ses mises en garde contre l’islam «importé d’ailleurs» et l’infiltration des sectes religieuses en Algérie, rattachées à des officines et des courants ancrés à l’étranger. Ces sectes, qui véhiculent des courants dangereux comme l’ahmadisme, le takfirisme et le wahhabisme, se manifestent dans les campus, dans les moussalate (salles de prière) des entreprises, dans les sous-sols des quartiers et dans les garages érigés pour l’apprentissage des langues et pour les cours de rattrapage. Autrement dit, elles prolifèrent dans des endroits qui échappent au contrôle du ministère. L’observatoire qui sera créé devra assurer la surveillance de tous les lieux de prière et d’apprentissage du Coran pour lutter contre les excès et les extrémismes religieux qui risquent de dépraver la société. Le gouvernement veut-il ainsi faire d’une pierre deux coups ? On aura la réponse une fois cet organisme mis en place. En attendant, les extrémistes gagnent, de jour en jour, des espaces dans un pays déboussolé, sans repères ni base religieuse saine.
Rafik Meddour
 

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