Quatre intellectuels musulmans appellent à la réflexion sur l’ijtihad en islam
Dans un appel aux «musulmans démocrates de tous les pays», quatre intellectuels invitent les leaders d'opinion, engagés pour la démocratie, à s’impliquer dans la relance de l'ijtihad dans l’interprétation de l’islam. L’appel, destiné aux représentants d’autorités politiques et/ou religieuses, aux intellectuels et aux théologiens, fait référence aux «interprétations sclérosées», fermement ancrées chez les tenants d’une vision réductrice et arabo-centrée. La tribune est signée par Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, Anwar Ibrahim, ancien vice-Premier ministre de la Malaisie, leader de l'opposition et président du Forum mondial pour les démocrates musulmans , Felix Marquardt, fondateur de la fondation Abd al-Rahman al-Kawakibi et du mouvement «Khlass (ça suffit) le silence !», et enfin Tariq Ramadan, professeur d'études islamiques à l'université d'Oxford. «En s'inspirant des travaux de certains intellectuels comme Malek Bennabi, nous devons commencer à remettre en question la doxa historique, romancée et nostalgique, qui prévaut dans les sociétés à majorité musulmane. Il est devenu impératif que nous examinions rigoureusement les échecs de notre civilisation, depuis la période précoloniale jusqu'à celle de la mondialisation, et les raisons pour lesquelles les fréquents appels à initier une véritable renaissance islamique par le passé sont restés lettre morte», indiquent les auteurs de l’appel publié par El Pais, le Huffington Post USA, The Telegraph, le Jakarta Globe, le Malaysian Insider, et le quotidien panarabe Asharq al Awsat. Les quatre intellectuels font, par ailleurs, référence aux réformateurs qui ont laissé pour la postérité de précieux travaux sur l’ijtihad : Muhammad Abduh, Abd al-Raḥman al-Kawakibi et Muhammad Iqbal au début du XXe siècle. Ces érudits, relève l’appel, «entendaient mener une analyse critique sans compromis de nos sources scripturaires». L’appel signale aussi le fait qu’il faut cesser de projeter le chauvinisme culturel de nos sociétés sur le dogme religieux : «Les musulmans du monde entier doivent être en mesure de faire la part des choses entre ce qui relève de l'islam et ce qui tient de la pratique culturelle indigène.» Dans un entretien accordé récemment à Algeriepatriotique, Ghaleb Benchaikh avait indiqué que les responsables musulmans de France ne jouissent d’aucune liberté d'expression. «Mais je sais qu'ils sont soumis à l'administration française. Il y a toujours un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur qui cornaque les membres du bureau du Conseil français du culte musulman, chose totalement inimaginable pour le Consistoire juif de France ou pour la Conférence des évêques de France. La genèse même dudit CFCM est une honte», a dit en substance l’islamologue franco-algérien.
Rafik Bahri