Les armées française et britannique recrutent des soldats musulmans pour mener le «contre-djihad»
Dans une annonce adressée à plusieurs organes d’information algériens – dont le nôtre – et sans doute musulmans à travers le monde, l’armée de terre française lance une vaste campagne de recrutement pour renforcer ses effectifs, en projetant d’attendre le chiffre de 10 000 hommes. La facilitation des conditions de recrutement et les avantages octroyés aux candidats dénotent la volonté de ce corps de l’armée française de procéder à un recrutement massif et immédiat. Ainsi, l’opération vise tous les jeunes de 17 à 29 ans et tous les niveaux d'études. «Quel que soit votre niveau de qualification, que vous soyez sans diplôme, ayez un CAP, un BEP ou le bac et plus, il y a une place pour vous dans l’armée de terre pour y exercer un emploi vous correspondant», lit-on dans l’annonce. Cette campagne vise-t-elle à faire face à une demande urgente au sein des forces armées françaises, voire à pallier un déficit, dans cette conjoncture marquée par la montée de la violence en France et les risques de troubles qui maintiennent en alerte quelque deux dix milles militaires dans le cadre du plan Vigipirate, depuis l’attentat de Charlie Hebdo ? Affectés pour surveiller des établissements sensibles, dont des écoles juives, ces soldats peuvent à tout moment se redéployer, en cas de «menace majeure», comme l’explique un Mémento de l’armée française qui date de plusieurs années, notamment dans les quartiers dits difficiles où l’on craint l’exacerbation des mouvements de protestation. «L’état d’urgence, détaille le document, peut être déclaré sur tout ou partie du territoire : soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ; soit en cas d’événements présentant le caractère de calamité publique». Tout y est dit. Il suffit que le gouvernement décide qu’une situation déterminée constitue «un péril imminent» pour déclarer l’état d’urgence et faire intervenir automatiquement l’armée, y compris pour le rétablissement de l’ordre, comme cela est explicitement spécifié dans le document. Par ailleurs, cette campagne de recrutement contraste clairement avec le projet de procéder à des coupes budgétaires drastiques, comme annoncé par le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dès juillet dernier. Le plus intrigant dans cette annonce de l’armée de terre française est qu’elle soit adressée aussi à des médias de pays musulmans, alors qu’elle dit vouloir recruter 10 000 «Français et Françaises». L’armée française veut-elle renforcer sa Légion étrangère dans ses expéditions hors frontières, au Sahel et au Moyen-Orient notamment, dans le cadre des opérations qu’elle mène contre les groupes islamistes armés depuis deux ans ? Veut-elle reproduire les méthodes coloniales pour faire des pauvres musulmans de la chair à canon dans ses guerres trop coûteuses en termes de vies humaines, dans le dessein à la fois de réduire les pertes dans ses rangs et d’avoir des hommes à l’esprit guerrier affirmé ? La combativité et la bravoure dont ont fait preuve les soldats algériens, marocains et tunisiens, actifs ou du contingent, lors de la Seconde Guerre mondiale – contre les nazis et les fascistes – ont marqué le parcours de cette armée. Cette tendance, dans les pays occidentaux à vouloir recruter davantage de musulmans pour renforcer leurs effectifs vient de se vérifier en Grande-Bretagne, dont l’armée britannique s’apprête à lancer, dans les prochains mois, une vaste campagne promotionnelle destinée à recruter des volontaires sous contrat – des mercenaires ? – parmi les minorités ethniques et religieuses. Les citoyens de confession musulmane particulièrement ciblés par cette initiative représentent actuellement 0,5% des effectifs de la British Army. L’armée de Sa Majesté compterait 480 militaires de confession musulmane, sur un effectif global de 88 500 hommes et femmes. Engagée au même titre que ses alliés de l’Otan, les Etats-Unis et la France, dans la guerre mondiale contre le terrorisme, la Grande-Bretagne participe activement aux opérations aériennes contre Daech en Irak et en Syrie, mais hésite à donner son accord pour des opérations terrestres. Une éventualité qui est actuellement en discussion aux Etats-Unis et présentée comme le seul moyen pour endiguer la déferlante de «l’Etat Islamique». Mais les pays de la coalition, échaudés par l’expérience de l’invasion de l’Irak en 2003, redoutent des risques de pertes humaines qui feraient se retourner leurs opinions publiques respectives contre le gouvernement. La vie d’un musulman ne valant pas celle d’un citoyen occidental «de souche».
R. Mahmoudi