Parrainage du dialogue interlibyen : pourquoi le Maroc ne peut pas rivaliser avec l’Algérie
Les observateurs de la scène régionale sont nombreux à s'interroger sur l'existence de deux processus de dialogue entre différents protagonistes libyens, qui se tiennent à une semaine d'intervalle : l'un à Rabat, sous le patronage du gouvernement islamo-monarchiste de Benkirane, et l'autre à Alger, sous les auspices du chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra. Ils ne s'expliquent pas cette démarche, décidée par l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, l’Espagno Bernardino León, et qui consiste à départager les négociateurs libyens dans deux capitales, dont tout le monde connaît les antagonismes et les rivalités sur les questions inhérentes aux relations internationales et régionales. Le plus étrange dans cette affaire est que les deux processus concernent des protagonistes différents : au Maroc, il est prévu une rencontre entre des groupes parlementaires, alors qu'Alger recevra des leaders de partis et des personnalités politiques. Il est clair que le premier dialogue revêt un caractère plutôt symbolique qui ne peut, à la limite, que satisfaire un désir de prestige chez les Marocains, lesquels ne voudraient pas se sentir encore «doublés» par leurs voisins de l'Est sur cette autre initiative d'envergure régionale – après le succès du dialogue intermalien organisé à Alger – et qui engage l'avenir de tout le Maghreb. Il n'est pas à exclure, par ailleurs, que les Marocains aient été actionnés par leurs alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour servir de contrepoids aux partisans d'une solution politique en Libye, dont l'Algérie demeure le fer de lance. Or, dans les faits, les Marocains ne se sont jamais impliqués dans les démarches entamées depuis une année pour tenter de trouver une issue politique et négociée à cette crise qui déchire la Libye. Ils se sentaient, en tout cas, moins concernés que les Algériens par ce conflit qui menace directement la sécurité de leur pays. Il va sans dire que les Libyens ont été les premiers à comprendre que la clé de voûte de leur problème résidait en Algérie. C'est pourquoi les différentes factions en conflit ont dès le début souhaité le parrainage de l'Algérie, d'abord pour son poids diplomatique et géostratégique, mais aussi dans la perspective de la reconstruction de leur pays, détruit, une fois par l'invasion occidentale en 2011, puis par une guerre civile qui fait aujourd'hui le lit du terrorisme international.
R. Mahmoudi