Hanoune appelle-t-elle à un coup d’Etat en exhortant Saïd Bouteflika à «sauver les institutions» ?
La représentante des travailleurs qui fait ses courses au centre commercial de Bab Ezzouar flanquée de deux gardes du corps et d’une accompagnatrice «valet» qui pousse le chariot ne sait plus sur quel pied danser. Après avoir servi de lièvre au candidat Abdelaziz Bouteflika pour le quatrième mandat, la voilà qui appelle le frère de ce dernier à se substituer au président de la République. La presse rapporte les propos de la présidente à vie du Parti des travailleurs, tenus lors de l’ouverture des travaux du bureau politique de sa formation : «Il faut que le frère du Président sorte de son silence !» a martelé Louisa Hanoune qui dit s’inquiéter du «glissement qui menace les fondements des institutions de l’Etat». C’est en tant que «principal conseiller» du chef de l’Etat que la présidente du PT sermonne Saïd Bouteflika : «Le frère du Président sait très bien au nom de qui parlent certains», a-t-elle insinué, dans une allusion claire à l’homme d’affaires Ali Haddad qu’elle accuse, à chacune de ses sorties, d’occuper indument l’espace politique depuis la réélection de Bouteflika en avril dernier. La présidente du PT va jusqu’à faire porter à Saïd Bouteflika la très lourde responsabilité d’«arrêter» ce «grave dérapage constaté au sein de l’Etat» vu que «l’état de santé du président de la République ne lui permet pas d’assumer convenablement sa fonction». Louisa Hanoune appelle-t-elle à l’application de l’article 88 qui stipule la démission du Président en cas d’empêchement ? Réclame-t-elle le remplacement du président de la République – à la réélection duquel elle a contribué – par son frère ? Cette nouvelle sortie singulière de Louisa Hanoune semble moins motivée par quelque affolement quant à la situation générale du pays que par une mésintelligence et une hostilité personnelle entre elle et le patron du Forum des chefs d’entreprises. En s’adressant ainsi à Saïd Bouteflika, elle tente, en désespoir de cause, d’impliquer ouvertement le frère du Président dans son conflit avec l’homme d’affaires, accusé d’entretenir des velléités éminemment politiques et de «souiller» les affaires publiques avec l’argent sale. Elle implique, paradoxalement, le frère du Président directement dans cette action de déstabilisation des institutions de l’Etat. Un discours schizophrène qui démontre, chaque jour un peu plus, que le Parti des travailleurs est arrivé à ses limites et qu’il est temps que cette formation politique opère un changement à sa tête. Les déclarations et les positions illogiques et inconséquentes de sa présidente – pro-Bouteflika le matin, antisystème le soir – ont fini par faire perdre au PT sa crédibilité. Aussi, toute critique visant le pouvoir ou le milieu des affaires se retourne inexorablement contre Louisa Hanoune et son parti-propriété, et conforte ses cibles de prédilection. A moins que cela soit prémédité et fasse partie du jeu.
M. Aït Amara