Le dernier négociateur français à Evian en vie : «La France a perdu l’Algérie à cause des pieds-noirs»
Le dernier négociateur français en vie ayant participé aux pourparlers d’Evian lance un véritable pavé dans la mare en accusant les pieds-noirs d’être derrière «la perte de l’Algérie». Dans un entretien accordé à la Télévision publique algérienne, Yves Roland-Billecart répond aux pieds-noirs qui considèrent que le général de Gaule et les négociateurs français ont «bradé l’Algérie». Il leur fait totalement endosser la responsabilité de l’issue de la guerre d’Algérie qui a recouvré son indépendance en 1962 suite aux accords de cessez-le-feu menés à Evian. «On a dit que la France avait bradé l’Algérie, que le général de Gaulle a tout bradé, mais pas du tout, c’est vous pieds-noirs, par votre aveuglement qui l’avez fait», déclare le négociateur français. «Vous avez toujours refusé toute évolution. Ça a commencé en 1936 avec le projet du gouverneur Violette. Vous n’avez jamais accepté de partager le pouvoir, vous avez tout fait pour saboter le statut de l’Algérie, et vous avez ensuite fait tout ce qu’il fallait pour qu’on en arrive à ça», clame Yves Roland-Billecart. Sur la question de la séparation du nord de l’Algérie du Sahara, le négociateur dit la conviction profonde qu’il avait alors concernant le fait que le Sahara était partie prenante de l’Algérie, alors que, paradoxalement, il avait pour mission de permettre à la France de le garder sur son autorité. «J’avais en charge le dossier économique, donc le pétrole, donc le Sahara», souligne Yves Roland-Billecart, ajoutant : «Moi, qui avait fait un stage à Laghouat, je savais bien que le Sahara était algérien, même s’il était loin d’Alger.» Il est à noter qu’Yves Roland-Billecart était en 1962 jeune conseiller du ministre des Affaires algériennes, Louis Joxe, lorsqu’il fut appelé pour participer aux négociations. Selon un article du journal français La Croix, daté du 16 mars 2012, «dans les plans initiaux, Yves Roland-Billecart, le fringant inspecteur des finances de 26 ans, ne devait pas participer à ces rendez-vous de l’Histoire. C’est pour remplacer l’ancien délégué général du gouvernement en Algérie, Paul Delouvrier, chargé de la "pacification", qui refuse de négocier avec le FLN que Louis Joxe se tourne vers son jeune conseiller. Son stage de l’ENA (promotion Jean-Giraudoux 1950-1952) en Algérie, puis un poste de dix-huit mois comme conseiller technique du ministère des Finances en Tunisie font d’Yves Roland-Billecart un connaisseur de l’Afrique du Nord». De ses séjours maghrébins, note le journal, il revient avec la conviction chevillée au corps que «l’Algérie sera forcément indépendante» et que «jamais elle ne renoncera à la souveraineté du Sahara», longtemps un des points de blocage des négociations avec le statut spécial pour la minorité européenne d’Algérie.
Meriem Sassi