Brasure contrefaite : le silence intrigant de Sonelgaz
L’affaire des brasures enrobées contrefaites ne suscite aucune réaction de la part des responsables de l’entreprise nationale Sonelgaz. Cette dernière est pourtant concernée en premier lieu par les risques d’un tel trafic qui mettrait en danger de nombreuses vies humaines. Que se passe-t-il donc à Sonelgaz, habituellement prompte à rebondir sur la moindre information relative au secteur ? Les dirigeants de cette deuxième plus grande entreprise publique en termes de chiffre d’affaires ignorent-ils l’existence de ce trafic ? Préfèrent-ils, pour des raisons particulières, ne pas trop ébruiter cette affaire et opter pour la politique de l’autruche ? La Sonelgaz est pourtant directement concernée par l’utilisation de cette brasure. Selon des données obtenues auprès d’un cadre, Sonelgaz utilise une vingtaine de tonnes par an de cette brasure enrobée pour les canalisations de gaz, alors qu’elle n’est pas conforme à cet usage. C’est une affaire qui mérite d’être portée à la connaissance des Algériens, car le trafic en question menace des milliers, si ce n’est des dizaines de milliers de foyers algériens. En tant que fournisseur unique de gaz de ville, Sonelgaz a en effet un rôle à jouer en imposant l’utilisation de brasures conformes au gaz. D’ailleurs, cette entreprise dispose d’un service directement concerné par cette affaire. Il s’agit du service qui homologue les appareils fonctionnant avec le gaz, lequel service dépend du Centre de recherche et de développement de l'électricité et du gaz (Credeg), basé à Alger. «En sa qualité de fournisseur exclusif de gaz, cette entreprise nationale est normalement responsable de la conformité des canalisations, jusqu’au compteur. Ensuite, c’est aux propriétaires des logements de prendre leur responsabilité», précise un spécialiste du secteur pour lequel «le plus grave est que les Algériens ne sont même pas informés de la non-conformité des brasures utilisées». Notre source fait état de faux taux d’argent et de métal mentionné sur l’emballage de certaines brasures contrefaites. Ainsi, il est indiqué qu’elles contiennent 30% à 40% d’argent (un taux conforme à la norme adoptée pour les canalisations de gaz). Mais en réalité, ce taux ne dépasse pas les 5%. Un taux qui peut être vérifié au niveau d’un laboratoire. Et il y en a en Algérie. Il y a pourtant une entreprise étatique qui importait ces brasures utilisées en Algérie, à savoir Agenor. Cette entreprise, qui a souffert d’une concurrence déloyale, dispose de l’expertise et des moyens nécessaires pour vérifier la qualité de cette brasure. Notre interlocuteur affirme que le danger que constitue cette brasure pour les foyers raccordés au gaz de ville depuis quelques années est aggravé par la sismicité du nord du pays. «La principale caractéristique de la brasure non conforme est justement qu’elle ne résiste pas aux secousses (caractéristiques mécaniques de l’alliage)», précise notre source qui ajoute à cela le danger sanitaire (cancer dû au cadmium) pour les professionnels comme les plombiers… En Europe et en Amérique, ce composant est totalement interdit. Des contrôles rigoureux sont à effectuer au niveau des ports et même sur le marché national pour éviter des catastrophes humaines à l’avenir.
Rafik Meddour