La vraie catastrophe
Par Kamel Moulfi – Le mythe du modèle allemand, légendaire pour la ponctualité et exemplaire dans la rigueur, conforme aux normes en toutes circonstances, a volé en éclats avec le crash, mardi matin, de l'A320 de la Germanwings, affrété par la Lufthansa, une compagnie qui n’est plus à présenter. La catastrophe n’est pas seulement dans le bilan et le deuil qui a frappé les familles des victimes, elle est, en cascade, dans la série de révélations sur les causes de l’accident. L’homme qui était seul aux commandes de l'A320, pour transporter de Madrid à Düsseldorf 142 passagers dont 16 lycéens allemands, était suivi depuis dix-huit mois par un psychiatre. C’était indiqué sur son dossier. Son suivi médical particulier et régulier figurait dans la licence du pilote. Il était en congé de maladie et n’aurait pas dû travailler ce jour-là, mais a réussi à cacher ce fait à ses employeurs. De telles anomalies sont réputées impossibles dans un pays aussi développé que l’Allemagne. Elles ne peuvent se passer que dans un pays sous-développé où le laisser-aller, nous laisse-t-on croire, serait la règle. On imagine l’agitation des «charognards» professionnels si la catastrophe dans cette version s’était passée chez nous. On nous aurait sorti immédiatement l’exemple des autres, ceux qui nous dépassent, peut-être même l’exemple de l’Allemagne. Ce n’est pas tout : pour empêcher une reproduction de l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours de New York, une mesure d’une absurdité incroyable a été prise, consistant à verrouiller de l’intérieur la porte blindée du cockpit. Totalement confiants dans le respect par la compagnie allemande des normes de sécurité appliquées au transport aérien, certains journalistes, spécialisés ou profanes, ont plongé vers la piste terroriste «islamiste». Les premières choses qu’ils ont cherché à connaître : le faciès du pilote et la consonance du nom et prénom, des indications précieuses pour connaître sa religion et élucider le mystère du crash. Chassez le naturel, il revient au galop. Personne n’a pensé que l’Allemagne pouvait connaître une telle défaillance dans son système. En mars 2011, la catastrophe nucléaire de Fukushima avait dévoilé les limites du modèle japonais. Que reste-t-il ? Nul n’est à l’abri.
K. M.
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