«Tuez-les sans autre forme de procès» ou comment la France mène des exécutions secrètes
Le journaliste français Vincent Nouzilles a révélé dans un livre qu’il vient de publier, intitulé Les Tueurs de la République, l’existence d’un plan secret, confié au service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), pour éliminer physiquement les «ennemis déclarés de la République», dont certains ont déjà été tués dans des opérations ciblées, dites «opérations homo». Ces agents secrets sont ainsi autorisés par le président de la République à éliminer, «sans autre forme de procès, sans sommation, n’importe quand, dès que les services secrets ou les officiers du renseignement militaire seront parvenus à les localiser», tous ceux qui sont portés sur cette liste noire, souvent des terroristes ou soupçonnés comme tels, laquelle liste n’est connue, d’après l’auteur du livre, que par un nombre très limité de responsables. Les membres de ce service, jamais officiellement revendiqué, sont assurés d’une impunité totale, puisqu’ils sont habilités à intervenir «en dehors de tout cadre légal». Les officiers de ce service clandestin ont carte blanche pour tuer, séquestrer ou torturer de présumés adversaires, sous couvert de «l’intérêt supérieur de la nation» et de «la raison d’Etat». Des pratiques qui montrent, en tout cas, que les autorités françaises n’attendent pas l’adoption d’une loi antiterroriste accordant un blanc-seing aux agents secrets – soumise au Parlement – pour s’autoriser le recours à des méthodes illégales. L’auteur explique que ce groupe intervient le plus souvent dans des cas de vengeance, comme en témoigne la traque lancée contre les auteurs de l’attentat de Bamako le 7 mars dernier. D’autres missions sont pensées en sollicitant l’aide des alliés, comme ce fut le cas en janvier 2013, pour «dégommer», sur ordre express de François Hollande, un chef terroriste des shebab en Somalie, après l’échec d’une intervention pour libérer un agent de la DGSE (la presse parlait, à l’époque, de simple «ressortissant français»), retenu en otage pendant trois ans. Hollande comptabiliserait jusqu’ici une quinzaine d’assassinats ciblés. Il viendrait juste après le général de Gaulle qui, lui, en 7 ans, a ordonné ou couvert 250 assassinats de chefs ou militants nationalistes algériens durant la guerre de Libération nationale. Ces révélations permettent aussi de mieux comprendre la manière, radicale et brutale, avec laquelle le jeune Mohamed Merah a été exécuté par un groupe d’intervention du GIPN, le 22 mars 2012. On comprend mieux aussi, aujourd’hui, pourquoi la justice française n’a jamais pris en considération les dénonciations formulées par la défense à ce sujet. Dans une déclaration à Algeriepatriotique, l’avocate algérienne de la famille Merah, Zahia Mokhtari, avait même envisagé de porter plainte contre l’Etat français pour «meurtre prémédité». Le mystère continue à entourer cette affaire. Plusieurs proches du «tueur au scooter» (aujourd’hui présenté, rétroactivement, comme «terroriste»), sont dans le viseur du service d’action de la DGSE, et dont un aurait été repéré en Syrie dans une vidéo attribuée à Daech.
R. Mahmoudi