Remous à l’université Paris VIII : l’esprit de mai 68 à l’épreuve de la globalisation
Dire aujourd’hui que l’université Paris VIII se dégrade, c’est ignorer le travail de sape qui a affecté ce nouveau-né dans le champ de l’éducation nationale, enfanté par l’esprit de mai 68 qui lui a injecté ses valeurs ! Déjà, pendant l’année universitaire 1979/1980, Pierre Merlin, président de l’université de l’époque, s’était attaqué de front aux valeurs de l’université héritées de l’esprit de mai 68. Il a fini par être séquestré dans son bureau pendant plusieurs jours par les étudiants de l’avant-garde de l’époque, qui étaient très nombreux à ce moment-là. L’affaire s’est soldée par la démolition de l’université, qui était implantée au bois de Vincennes, pour être transférée à Saint-Denis, en adoptant la nouvelle dénomination d’université de Vincennes à Saint-Denis. Une décade après, vers les années 1990, un projet de développement de ses infrastructures et de ses capacités d’accueil fut adopté et avec lui toute une série de réformes pour venir à bout de ce qui reste de l’esprit de mai 68. La soumission au dictat de l’entreprise capitaliste était le principal aménagement pour dessiner sa nouvelle identité. Nombreux étaient cette fois les enseignants et les étudiants qui adhéraient avec opportunisme à ce nouveau saccage. Guy Fihman, directeur du département d’études cinématographiques et audiovisuelles, était leur chef de file. A cette occasion, des étudiants maghrébins sans papiers ont vu pour la première fois leurs inscriptions refusées et chassés manu militari de l'enceinte de l'université, en violation des valeurs de cette université, qui était, il faut le rappeler, ouverte à l’inscription aux cours des travailleurs et des étrangers non résidents et non boursiers. Guy Fihman passait d’amphi en amphi pour ameuter les étudiants afin de chasser les grévistes maghrébins qui observaient un sit-in devant la présidence de l’université en protestation contre cette violation des principes fondateurs de cette structure universitaire. Beaucoup d’enseignants et d’étudiants, déjà à cette époque, adhéraient fâcheusement à cette initiative. Vingt-cinq ans plus tard, la vie précaire de ces étudiants, doublée d’une législation sur les étrangers des plus draconiennes, les pousse au suicide. En effet, des dizaines d’étudiants algériens ont mis fin à leurs jours ces dernières années en conséquence. Que reste-t-il de l’esprit de mai 68 dans un monde dont les puissantes entreprises confondent mondialisation avec globalisation ? Parmi les valeurs acquises par l’esprit de mai 68, il était question de la démocratisation du savoir, mondialisé, et non de la soumission des structures éducatives au capital, contre les intérêts des peuples, contre leur instruction et leur éveil.
Youcef Benzatat