Les médias marocains main dans la main avec l’extrême droite française contre les migrants
La grande presse marocaine est associée à un débat lancé par un mouvement français d’extrême droite et d’inspiration xénophobe, appelé Remigration. C’est le président de ce mouvement, Laurent Ozon, qui l’affirme dans un communiqué dont Algeriepatriotiquea pris connaissance. Cette implication des médias marocains fait partie de ce qu’il appelle un «travail de fond actuellement mené en relation avec des mouvements politiques de part et d'autre de la Méditerranée» sur la question de l’émigration clandestine. On n’en croit pas ses yeux en lisant ce communiqué, mais c’est tout à fait clair : les médias marocains apportent leur soutien à un mouvement créé en septembre 2014 sur la base d’une hostilité déclarée aux émigrés et ils sont, de ce fait, impliqués dans sa politique qui vise à renvoyer les émigrés vers leurs pays d’origine. Cela signifie que ces médias partagent l’appréciation de Remigration qui traite la politique de l’Union européenne de laxiste, autrement dit coupable d’une trop grande tolérance à l’égard des émigrés clandestins et des sans-travail, et lui impute les milliers de morts en Méditerranée, alors que les véritables raisons des drames liés à l’émigration clandestine sont, au contraire, dans les agressions commises contre les pays africains, notamment la Libye, transformée en un espace incontrôlable dominé par le chaos, et dans les inégalités dans les relations internationales qui conduisent à l’appauvrissement des populations africaines, à l’aggravation de l’insécurité et en définitive à la guerre. C’est sur ces racines qu’il faut agir pour réduire le flux migratoire clandestin qui est devenu une cause de morts massives de pauvres gens qui veulent rejoindre l’Europe pour échapper à la misère et à la guerre. Remigration, sous couvert d’agir sur le côté économique et social de cette question, vient en soutien au Front national, qui, lui, poursuit, sur le terrain politique, la même démarche raciste. Dans son communiqué, Remigration appelle à suivre l’exemple de «l'Australie qui montre la voie, en détournant systématiquement les bateaux chargés de clandestins s'approchant de ses côtes». Les naufrages qui ont fait des milliers de morts parmi les migrants clandestins, et qui ont suscité une grande émotion en Europe et dans le monde, servent de prétexte à ce mouvement pour s’attaquer aux personnalités, mouvements politiques et autres organisations humanitaires qui appellent à trouver une solution politique à ce problème dramatique. Remigration joue sur le registre de la peur en évoquant «l'anarchie migratoire, en train de balayer notre société avec ces débarquements quotidiens de navires en provenance d'Afrique» et compte donc mobiliser de cette façon les populations française puis européenne pour les faire adhérer à la politique du «retour des émigrés» et de la porte fermée aux futurs candidats à l’émigration. Mais Remigration a besoin aussi de trouver un écho favorable dans les pays du Sud. Le Maroc présente toutes les conditions pour être cette caisse de résonance. En effet, le royaume veut être aux yeux des pays du Nord un acteur de premier plan et d’une efficacité exemplaire dans la lutte contre l'immigration clandestine. Alors, le Makhzen prend facilement le relais de Remigration et jette ses médias dans cette voie xénophobe en les faisant participer à la campagne menée par l’extrême droite française contre les migrants qui fuient les guerres. Mais il y a des couacs. Dernièrement, le ministère de l'Intérieur marocain a annoncé des poursuites judiciaires contre un quotidien qui a osé aller à contre-courant de la propagande mensongère du Makhzen. Akhbar Al-Youm, c’est le nom de ce journal arabophone, a publié des chiffres qui se basent sur des rapports de l'ONU et de l'Union européenne et qui sont contraires aux affirmations officielles marocaines : 3 200 migrants se sont noyés sur les côtes marocaines entre 2000 et 2013. Ce qui ternit l’image de «bon élève» que cherche à présenter le Maroc dans ce domaine.
Houari Achouri