La Banque mondiale épingle l’Algérie sur les surcoûts dans la réalisation des infrastructures(*)
Au-delà des données statistiques qui peuvent être trompeuses, il faut replacer la faiblesse des impacts des investissements au manque de vision stratégique et à la mauvaise performance, étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques. C'est ce que souligne une étude de la Banque mondiale sur la revue des dépenses publiques en Algérie (2007/2008), rapport d'une brûlante actualité, dont les pouvoirs publics n'ont pas tiré toues les leçons pour l'avenir, objet de cette brève contribution. Le rapport montre clairement que les déficiences observées dans son processus budgétaire et les goulets d'étranglement institutionnels ont systématiquement entraîné une mauvaise exécution des programmes d'investissement entre 2000 et 2007. Toutes ces insuffisances aboutissent à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans l'exécution des projets. Parmi les carences importantes observées, on peut citer : l'existence d'un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ; l'absence d'interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d'investissement et le budget de fonctionnement (récurrent) ; des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d'investissement approuvés et les budgets exécutés ; et des longs retards et des surcoûts pendant l'exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d'exécution des organismes d'exécution. Pour la formulation, l'Algérie utilise un système de classification obsolète. Concernant l'exécution, la lenteur dans l'exécution ne s'explique pas par un rationnement de la trésorerie, mais est due à la lourdeur des procédures lourdes qui empêchent la clôture rapide de la période de fin d'exercice pour l'arrêt du budget. L'enquête «Evaluation et plan d'action» du FMI et la Banque mondiale montre que l'Algérie ne respecte que cinq des 16 principaux critères de référence. Le FMI et la Banque mondiale considèrent que le système de gestion budgétaire d'un pays a besoin d'être considérablement amélioré si moins de sept des critères de référence sont remplis. La performance de l'Algérie est particulièrement mauvaise à toutes les différentes étapes de la formulation, de l'exécution du budget, de l'établissement de rapports et de la passation des marchés. Les importations (plus particulièrement celles liées aux projets dans les secteurs du transport et des travaux publics) augmenteront plus rapidement que les exportations, une analyse des coûts démontrant que les projets sélectionnés dans le cadre du PSRE sont extrêmement coûteux. Les trois dernières conclusions tirées de l'évaluation à mi-parcours du PSRE font référence au contenu stratégique limité des projets retenus, la faible qualité des projets et les difficultés institutionnelles dans l'exécution et les carences en matière d'analyse des coûts. La qualité extrêmement faible des projets et de graves carences institutionnelles explique largement la mauvaise exécution des projets.
Le système des investissements publics comporte plusieurs lacunes
Le rapport souligne avec force que de très importants dépassements de budget ont été constatés au niveau de différents projets. De nombreuses décisions de projet ne sont pas fondées sur des analyses socioéconomiques. Ni les ministères d'exécution, ni le ministère des Finances n'ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier effectué par le ministère des Finances, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d'exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant. Les résultats des projets et programmes ne font pas l'objet d'un suivi régulier. Il n'existe aucune évaluation a posteriori permettant de comparer ce qui était prévu avec ce qui a été réalisé et encore moins de comparer le coût-avantage ou l'efficacité avec la situation réelle. Pourtant, le non-respect de normes minimales – dans l'analyse du ratio coûts-avantages, rentabilité sociale et profils des projets a de graves conséquences en termes de ressources gaspillées, de duplication des activités et de problèmes de passations de marchés. Le système algérien des investissements publics comporte plusieurs lacunes. Premièrement, les coûts des projets sont importants. Deuxièmement, la préparation technique du personnel d'exécution et la qualité des projets sont généralement faibles et inégales, les projets contribuant ainsi faiblement à l'atteinte des objectifs stratégiques sectoriels. Troisièmement, de nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l'urgence qui accompagne la préparation de projet à cette échelle – non des moindres, la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (25 commissions ministérielles et 48 commissions de wilaya dans le cas du PSRE). Dans ce rapport, il est clairement explicité que les enjeux institutionnels et de gouvernance contribuent aussi largement à limiter la réussite en particulier dans les domaines de la santé et l'eau, et surtout dans l'éducation et le transport, pour ce rapport. Cela renvoie à la faiblesse des réformes institutionnelles et micro-économiques, bien que les réformes macro-économiques soient relativement satisfaisantes, mais éphémères, l'Algérie possédant l'une des économies les moins diversifiées parmi les pays à revenus intermédiaires et les pays producteurs de pétrole. Le rapport souligne que le programme des réformes structurelles est à la traîne dans les domaines tels que l'accession à l'OMC, la privatisation des entreprises publiques, la modernisation du secteur financier et dans des domaines de la gouvernance tels que la réforme de l'administration fiscale et de l'appareil judiciaire.
Abderrahmane Mebtoul
(*) Le titre est de la rédaction