La militante américaine Angela Davis appelle à tenir compte de l’émergence du racisme anti-arabe
L’ex-membre des Black Panthers dans les années 1970 et militante pour les droits civiques aux Etats-Unis, Angela Davis, était hier à Saint-Denis, en France, l’invitée d’honneur de la cérémonie organisée à la Bourse du travail, à l’occasion du 10e anniversaire du Parti des Indigènes de la République (PIR). L'intellectuelle afro-américaine y a prononcé un discours dans lequel elle a mis l’accent sur les aspects nouveaux de la lutte antiraciste dans le contexte actuel qui se traduit, dit-elle, par un «renouvellement de la conscience antiraciste». Elle appelle les militants qui combattent la violence raciste et l’antisémitisme à tenir compte de l’émergence récente du racisme anti-arabe et de l’islamophobie qui ont «transformé le terrain même de notre combat contre le racisme», a-t-elle fait remarquer. Elle a critiqué l’adoption en France de la loi sur le renseignement, alors que le texte qui lui correspond aux Etats-Unis, le Patriot Act, est remis en question, y compris, dit-elle, par les forces politiques conservatrices. Pour elle, de «grands événements ont lieu aux Etats-Unis», allusion aux violentes manifestations antiracistes qui se sont déroulées dans des villes américaines après les décès de jeunes Noirs américains tués par la police. En effet, les Américains sont de plus en plus nombreux à ne pas accepter que les Noirs, le plus souvent des jeunes, sans arme, soient régulièrement abattus en plein jour, devant tout le monde, par des policiers blancs, sans que ces derniers soient jugés. Au contraire, ce sont les Noirs qui remplissent les prisons à cause de procédés ouvertement racistes mis en œuvre par l’appareil judiciaire américain. Angela Davis dénonce la militarisation des services de police locaux aux Etats-Unis, aggravée par le fait, précise-t-elle, que ces services ont été entraînés par l’armée israélienne. «L’armée est entraînée à tirer pour tuer… Alors qu’est-ce que cela signifie quand les services de police se transforment ouvertement en militaires ?» interroge-t-elle. Elle en conclut qu’il y a «beaucoup à apprendre des populations qui résistent à l’occupation en Palestine, en Cisjordanie et à Gaza». Elle inscrit la lutte contre le racisme dans une dimension plus globale. «Vous ne pouvez pas appeler à la fin du racisme et de l’antisémitisme sans appeler à la fin de l’occupation de la Palestine et à la liberté pour les prisonniers politiques, y compris Georges Ibrahim Abdallah», lance-t-elle. Angela Davies est particulièrement estimée dans le département de Seine-Saint-Denis, le fameux «93» où a elle été honorée par la population qui a donné son nom à un groupe scolaire (10 classes élémentaires, 8 maternelles, 2 salles d'activité, un self), à La Courneuve, et à une école maternelle publique à Aubervilliers. La date du 8 mai n’a pas été choisie au hasard par le PRI, comme le soulignent les organisateurs du meeting : «Jour de deuil pour nous, indigènes de France, qui pleurons la mort de nos ancêtres massacrés par l’armée française le 8 mai 1945, à Sétif, Guelma et Kherrata, en Algérie (45 000 morts)», mis en contraste avec le «Jour de fête pour la République française qui commémore sa libération de 1945». Ils rappellent que «le 8 mai 2005, 4 mois après la publication de notre appel “Nous sommes les indigènes de la République”, 3 mois après la loi du 23 février 2005 consacrant une lecture positive et institutionnelle de “l’œuvre française dans ses colonies” et 5 mois avant la révolte des quartiers qui embrasera la France pendant plus de 15 jours, s’élançait notre première Marche des Indigènes de la République». Le PIR annonce un autre rendez-vous, à l’automne prochain, pour évoquer les femmes qui se battent contre les violences policières.
Houari Achouri