Document exclusif – Un rapport confidentiel révèle l’échec du lobbying marocain en Europe
Le Maroc est en perte de vitesse en Europe. Son lobbying se heurte de plus en plus à l’engagement et la détermination des groupes d’eurodéputés qui militent énergiquement pour l’indépendance du Sahara Occidental. Dans un rapport confidentiel élaboré par la diplomatie marocaine, et obtenu par Algeriepatriotique, le Makhzen dénonce l’activisme d’une bonne partie des membres du Parlement européen en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui. On fait état, en effet, d’une situation «intenable» pour le Maroc qui vit mal l’importante avancée qu’a connue la cause sahraouie au sein du Parlement européen. «Face à cette situation intenable, la tendance hostile risque de s’aggraver en tenant compte de plusieurs facteurs endogènes et exogènes, ce qui impose la mise en place d’une stratégie adéquate, susceptible de faire face à ces tendances nuisibles au sein du Parlement européen qui pourraient éventuellement se propager à d’autres institutions européennes», est-il écrit dans ce rapport confidentiel selon lequel «l’absence d’une réelle stratégie marocaine de lobbying au sein du PE facilite l'action des activistes antimarocains». Le Maroc avoue ainsi avoir échoué dans ses tentatives de lobbying menées ces dernières années. «Les membres du PE ne sont pas souvent réceptifs des messages délivrés par le Maroc et ne sont pas très convaincus des positions exprimées par les responsables marocains, notamment en ce qui concerne la question du Sahara/droits de l'Homme», est-il souligné. Autre constat fait : la politique marocaine visant à entretenir des relations étroites avec les groupes politiques majoritaires au Parlement européen (PPE, S&D et ALDE) qui ont une position relativement positive à l’égard du royaume a montré ses limites. Les eurodéputés tiennent compte de l’opinion interne à leur pays. Même le Groupe d’amitié Maroc-UE, créé en 2011, pour multiplier les canaux de dialogue et rassembler un nombre important d’«eurodéputés amis», en vue de promouvoir le Maroc et défendre ses intérêts au sein du Parlement, a montré quelques limites, est-il encore écrit dans ce rapport qui alerte ainsi les hauts responsables de la monarchie de l’échec retentissant de la diplomatie du Makhzen. Il est relevé la dispersion de l’énergie des divers intervenants marocains agissant de manière aléatoire au sein du Parlement européen sans aucune coordination. Pour tenter de renverser la vapeur, il est proposé dans le même rapport confidentiel la mise en place d’une nouvelle stratégie pour s’assurer de l’adoption des prochains accords en cours de négociation avec la partie européenne, telle que l’Accord de libre-échange complet et approfondi, le Protocole à l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche et l’Accord sur la protection des indications géographiques. Le Maroc veut éviter le rejet, comme en 2011, du Protocole de l’accord de pêche Maroc-UE. Pour ce faire, il est suggéré dans ce rapport quelques actions à mener. Outre le renforcement des équipes du consulat marocain à Strasbourg, le Maroc va créer un Groupe d’amitié Maroc-UE au Parlement marocain et une cellule de veille consacrée aux relations avec le Parlement européen. La classe politique marocaine est aussi appelée à la rescousse. Les partis doivent donc se rapprocher impérativement des groupes politiques européens, selon leurs tendances idéologiques. Ils sont appelés à ramener les eurodéputés pour assister aux congrès et meetings organisés au Maroc. Il est également proposé d’inciter les Marocains résidant dans les pays membres de l’UE à «démarcher les eurodéputés hostiles en usant de moyens dont ils disposent (vote dans les circonscriptions électorales) et promouvoir l’image du Maroc auprès de leurs interlocuteurs. Pour faire face à son échec diplomatique, le Makhzen compte aussi utiliser le mouvement associatif marocain qui doit désormais faire du lobbying auprès du Parlement européen à travers des lettres, des e-mails et des demandes de rencontres. Ce rapport a le mérite de confirmer la perte de vitesse de la diplomatie marocaine sur le plan international. Un échec que les hautes autorités du pays reconnaissent en cherchant un moyen pour rebondir.
Rafik Meddour