Faute de requins, des anchois
Par Kamel Moulfi – Les procès de la corruption en Algérie auront-ils vraiment lieu un jour ? Pour le moment, peu de gens y croient. En ramenant les procès de Sonatrach, de l’autoroute Est-Ouest, de Khalifa Bank à des «coupables de second rang», l'Etat veut faire de ces affaires le procès de la «petite délinquance» économique. Tout le monde sait maintenant quelle tonalité sera donnée aux prochains procès. Cela ne veut pas dire que les «petits corrompus» ne sont pas responsables et ne méritent pas d’être punis. Ils ont cédé à leur penchant à la cupidité et n’ont aucune excuse. Sans ces fonctionnaires qui acceptent de l'argent et utilisent leur position pour faire profiter indûment d’autres personnes dans des transactions illégales, le réseau de la corruption n’existerait pas. Mais, et ce n’est pas propre à notre pays, l’opinion publique veut savoir la vérité sur le rôle des hauts responsables qui sont cités par les témoins et par les médias. Alors que le procès de l'autoroute vient de s'achever et que celui de Khalifa se poursuit, Amar Ghoul et Abdelmadjid Tebboune sont reconduits dans le gouvernement à la faveur du remaniement ministériel partiel opéré hier. Le jour même où l'annonce du maintien de Tebboune dans le nouveau gouvernement était faite, les directeurs des OPGI comparaissaient devant le juge à Blida. Un véritable pied de nez aux Algériens ! Sonatrach, c'est pareil. Les gros requins ne seront donc pas poursuivis et ils peuvent vivre paisiblement sous un Bouteflika excessivement affaibli. Où tout cela va-t-il nous mener ? Les mailles de la lutte anti-corruption dans notre pays semblent bien «spéciales» ; elles prennent le menu fretin et laissent passer les gros poissons. Pourtant, la moralisation de la vie sociale doit commencer par la sphère des pouvoirs. Des ministres viennent de quitter le gouvernement après avoir été éclaboussés par des «petites combines». Mais la campagne de lutte contre la corruption annoncée officiellement à grand renfort de discours n’est pas encore passée à la vitesse supérieure attendue par la population. Elle reste confrontée à des défis qui paraissent insurmontables. Pour gêner la corruption, sinon la rendre impossible, il faut au moins une victoire symbolique qui est encore très loin d’être remportée.
K. M.
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