Affirmant que l’arrêt du processus électoral «était une grande erreur» : Mokri dévoile son double jeu
Arrivé à la tête du MSP sous la poussée de l’aile radicale du parti, Abderrezak Mokri multiplie les opérations de charme à l’adresse des islamistes de l’ex-FIS, en épousant insidieusement leur discours, tout en prônant l’ouverture et la tolérance dans le cadre de la CLTD, où il coordonne notamment avec le RCD. Un jeu dans lequel il excelle : entre deux «conférences thématiques» à Alger, une petite virée à Jakarta ou à Londres, pour présider la prière dans une mosquée (en sa qualité d’imam ?) et rencontrer les «membres de notre communauté» dans les jardins de la ville, ne peut être que revivifiante. Dans son escalade discursive contre «le régime», le leader du MSP estime que l’heure est venue d’accentuer les pressions politiques et pacifiques sur le pouvoir jusqu’à l’abattre, maintenant que celui-ci «s’est séparé de la nation» et qu’il n’y a plus aucune raison de répondre aux sollicitations des détenteurs du pouvoir pour le soutenir dans les épreuves auxquelles il fait face. Pourtant, tous les indices, reconnaît Mokri, montrent que la situation est «catastrophique» à tous les niveaux : déliquescence des institutions de l’Etat, lutte des clans aiguisée, échec des partis pro-pouvoir, corruption généralisée, menaces sur les frontières…, affirme-t-il dans un article intitulé : «Faut-il sauver encore une fois le système politique ?» (Saïd Sadi disait : «On ne peut pas sauver, en même temps, la nation et le système»). Dans son analyse, Mokri soutient que le pouvoir «a réussi à maintes reprises à sortir de l’impasse grâce aux sacrifices consentis par les Algériens dans des conjonctures où la survie de l’Etat et de la nation était liée à celle du régime en place». Il cite la période des années 1990 où son parti, le Hamas fondé par Mahfoud Nahnah, «a jugé utile de soutenir l’effort de l’Etat pour surmonter la crise, à travers sa participation aux différentes élections, mais aussi en acceptant de siéger au gouvernement, croyant pouvoir amener le pouvoir à se départir de sa mentalité autoritaire, en vain», regrette Mokri. La priorité étant, d’après lui, de «contribuer à l’arrêt de l’effusion de sang et de restaurer la stabilité», dans l’attente d’une «décantation qui tardait à venir». La direction du MSP a patienté plus de vingt ans (passés à noyauter l’économie nationale et à s’enrichir) avant de se rebiffer. Sans renoncer au parcours de son parti, Mokri juge aujourd’hui que l’arrêt du processus électoral de décembre 1991 était «l’une des plus grandes erreurs commises par le pouvoir en place». N’ayant pas toutefois le courage d’aller jusqu’au bout de ses idées, il se limite à expliquer que «l’interruption des élections législatives de 1991 a aggravé la crise politique». Comment ? A quel niveau ? Qui doit en assumer la responsabilité ? Aucune suggestion. Passant en revue les étapes franchies depuis cette date, le chef du MSP arrive à cette conclusion prometteuse : «Les choses ont aujourd’hui changé, avec une société plus consciente, une jeunesse plus informée et des partis politiques conduits par des élites plus formées, plus audacieuses, plus décidées à aboutir au changement et plus aptes à construire des alliances.» En somme, un autosatisfecit dans sa course à la fois aux voix des anciens militants de l’ex-FIS et au soutien de l’internationale islamiste en prévision des prochaines échéances.
R. Mahmoudi