Document exclusif – Le Comité contre la torture de l’ONU confirme les accusations contre le Maroc

Saisi par la défense du militant sahraoui Naâma Asfari, condamné en 2013 à une peine de 30 de prison pour sa participation à une action de protestation des Sahraouis dans le camp de Gdeim Izik, près de Laâyoune, le Comité contre la torture de le l’ONU a rendu ses délibérations finales. Elles sont tout simplement accablantes pour le Maroc. Ainsi, le comité juge la plainte tout à fait recevable et somme, en même temps, la partie adverse (le royaume du Maroc) de lui fournir des observations sur le fond de la requête déposée par le plaignant, au plus tard le 25 septembre 2015. Ce qui revient à dire que toutes les réponses fournies par le Maroc n’ont pas convaincu, et qu’il est tenu de prouver, pour la dernière fois, son innocence dans les accusations de torture et de traitement inhumains infligés au militant sahraoui en détention, dès lors que toutes les voies de recours sont épuisées. La défense de la partie accusée s’est longtemps appuyée sur cet argument (le non-épuisement des voies de recours) pour faire annuler la requête. Or, le comité affirme qu’aucune des requêtes déposées par le plaignant auprès des autorités judiciaires marocaines pour torture n’a abouti, puisque ces autorités «n’ont jamais ouvert une enquête sur ce sujet». L’instance onusienne enfonce le Maroc, en démontant ses assertions : «Outre le fait que l’absence d’enquête par les autorités de l’Etat partie est en violation des dispositions 39 et 49 du Code de procédure pénale, souligne le document, cette absence de mesures est en violation avec la Convention (contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ndlr), et n’a donc pas permis au requérant d’avoir accès à un recours judiciaire.» Plus accablant pour le royaume chérifien, le comité rappelle avoir dénoncé l’impunité en matière de torture lors de ses observations finales sur le Maroc, rendus par le juge Juan Mendez. «Le refus des autorités marocaines d’enquêter sur les allégations de torture formulées à plusieurs reprises par le requérant, lit-on encore dans le texte des délibérations, n’a jamais été consigné par écrit, les autorités judiciaires se contentant de ne pas diligenter d’enquête.» Le comité indique, à titre d’exemple, que «la demande de l’avocat du requérant lors de l’audience du 8 février 2013 devant le juge d’instruction militaire de pouvoir interroger les rédacteurs des procès-verbaux des interrogatoires pour connaître les conditions dans lesquelles les aveux ont été obtenus ont été rejetés. De même, note le document, dans son ordonnance provisoire du 8 février 2013, le tribunal militaire, bien que consignant des accusations de torture, n’a donné aucune suite à ces allégations». Pour rappel, Naâma Asfari a été arrêté par la police marocaine le 7 novembre 2010 à Laâyoune, après avoir reçu une délégation étrangère composée d’hommes politiques dans un camp de toile dressé par les militants sahraouis, pour protester contre la politique répressive des autorités marocaines et réclamer leur droit à l’autodétermination. En février 2014, il décide de porter plainte auprès du Comité contre la torture de l'ONU pour traitements inhumains et dégradants, après avoir épuisé tous les recours. Parallèlement, le militant et son épouse française avaient aussi adressé une plainte pénale au doyen des juges d’instruction de Paris. L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) s’est constituée partie civile aux côtés des victimes et a pris l’initiative de déposer la plainte auprès du Comité contre la torture, qui est une instance semi-juridictionnelle dont la compétence est officiellement reconnue par le royaume du Maroc. «Une condamnation par le Comité contre la torture serait un premier pas significatif dans la lutte contre l’impunité et encouragerait les autres victimes sahraouies et marocaines à porter plainte devant l’ONU», a déclaré Hélène Legeay, responsable Maghreb/Moyen-Orient à l'ACAT. Le chemin est donc montré.
R. Mahmoudi
 

Lire le document du Comité contre la torture de l’ONU

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